Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/191

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« Mon digne ami, lui dit-il, tout l’appui que je pourrais prêter à votre accusation contre Varney, vous avez droit de l’attendre de ma justice et de ma reconnaissance. Le hasard va, du reste, nous montrer tout à l’heure si je puis quelque chose auprès de notre souveraine, ou si réellement mon intervention dans cette affaire ne vous sera pas plus préjudiciable qu’utile. »

Ainsi parla Sussex, tandis qu’il passait à la hâte une large robe fourrée, et s’ajustait de son mieux pour paraître devant la reine. Mais quelque soin qu’il donnât à sa toilette, il ne pouvait effacer les traces qu’avait laissées la maladie sur un visage que la nature avait doué de traits fortement prononcés plutôt qu’agréables. D’ailleurs, il était de petite taille, et, quoiqu’il eût de larges épaules et que ses formes athlétiques annonçassent un homme fait pour la guerre, son aspect n’était pas de nature à plaire dans une pacifique réunion de dames : circonstance fâcheuse, qui faisait, pensait-on, que Sussex, tout estimé et honoré qu’il fût de la reine, avait auprès d’elle un grand désavantage quand elle le comparait à Leicester, qui était également remarquable par l’élégance de ses manières et la beauté de sa personne.

Malgré toute sa diligence, le comte ne put se trouver à la rencontre de la reine au moment où elle entrait dans l’antichambre, et il s’aperçut tout d’abord qu’un nuage avait obscurci son front. Son œil jaloux avait remarqué ce train militaire de gentilshommes et de gardes armés dont la maison du comte était remplie, et ses premiers mots exprimèrent son mécontentement. « C’est ici une garnison royale, milord Sussex ? ou aurions-nous, par aventure, dépassé Say’s-Court et débarqué à notre Tour de Londres ? »

Lord Sussex voulait présenter quelques excuses. « Il n’en est pas besoin, dit-elle. Milord, nous nous proposons de faire cesser au plus tôt certaines querelles entre vous et un autre seigneur de notre cour, et de réprimer en même temps cette habitude barbare et dangereuse de vous entourer de gens armés, comme si, dans le voisinage de notre capitale, à la porte même de notre résidence royale, vous vous prépariez à une guerre civile l’un contre l’autre. Nous sommes bien aise de vous voir rétabli, milord, quoique sans l’assistance du savant médecin que nous vous avons envoyé… Point d’excuses !… Nous savons comme cela s’est passé, et nous avons, à ce sujet, corrigé ce jeune étourdi de Raleigh… Par la même occasion, milord, nous vous annonçons que nous comptons débarrasser au plus tôt de lui votre maison pour l’attacher à la nôtre. Il a des