Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/290

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car elles jugèrent indispensable d’éviter toute distinction extérieure qui pourrait attirer l’attention. Avant que ces préparatifs rapides fussent terminés, la lune s’était levée, et tous les habitants de ce séjour mystérieux, s’ils n’étaient pas encore endormis, s’étaient retirés dans leurs silencieux appartements.

Il n’y avait nulle difficulté pour elles à sortir de la maison ou du jardin, pourvu qu’elles ne fussent pas observées. Antony Foster était accoutumé à regarder sa fille comme un pécheur qui a la conscience de ses torts regarderait un ange gardien qui, malgré ses fautes, continuerait à le protéger visiblement : aussi sa confiance en elle ne connaissait pas de bornes. Jeannette était maîtresse de ses actions pendant la journée, et avait un passe-partout qui ouvrait la porte de derrière du parc, de sorte qu’elle pouvait aller au village quand elle le voulait, soit pour les affaires de la maison, dont le soin lui était entièrement confié, soit pour remplir ses devoirs de piété au lieu de rassemblement de sa secte. Il est vrai qu’elle ne jouissait de cette entière liberté que sous la condition expresse qu’elle n’en abuserait pas pour rien faire qui favorisât l’évasion de la comtesse ; car, on ne s’en cachait plus, lady Leicester était prisonnière à Cumnor-Place depuis qu’elle avait commencé à montrer quelque impatience de la contrainte où on la tenait. Il est à présumer que sans les violents soupçons que lui inspira la scène de cette soirée, nulle circonstance n’eût décidé Jeannette à violer sa parole et à tromper la confiance de son père. Mais après ce qu’elle avait vu, elle se regardait non seulement comme justifiée, mais même comme obligée de faire de la sûreté de sa maîtresse le principal objet de ses soins en mettant de côté toute autre considération.

La fugitive comtesse et son guide traversaient d’un pas précipité un sentier inégal et entrecoupé : ce sentier, qui jadis avait été une belle avenue, était tantôt obscurci par les branches des arbres qui se réunissaient en berceau touffu, tantôt éclairé par la lumière incertaine et trompeuse des rayons de la lune qui pénétraient partout où la hache avait fait quelque trouée dans le bois. Leur marche était continuellement interrompue par des arbres abattus ou de grandes branches qu’on avait laissées là jusqu’à ce qu’on les employât en fagots ou en bûches. Les désagréments et les difficultés qui provenaient de ces interruptions, la précipitation avec laquelle s’était faite la première partie de leur route, les pénibles alternatives de la crainte et de l’espérance, avaient tellement épuisé les forces de la comtesse, que Jeannette fut forcée de lui proposer de se reposer un instant pour