Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/293

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tre rapport, dit Jeannette ; que mes services, quelque chétifs qu’ils soient, expient une partie de ses torts.

— Je serais souverainennent injuste, ma chère Jeannette, si j’agissais autrement, » dit la comtesse en reprenant tout d’un coup ses manières douces et confiantes à l’égard de sa fidèle suivante. « Oui, Jeannette, pas un mot ne sera prononcé par moi qui puisse faire tort à ton père ; mais tu le vois, ma bonne amie, je n’ai d’autre désir que de me placer sous la protection de mon mari. J’ai quitté la demeure qu’il m’avait assignée, à cause de la scélératesse des personnes dont j’étais entourée ; mais en aucune chose je ne désobéirai à ses ordres. J’en appellerai à lui seul… À lui seul je demanderai protection. À qui que ce soit, sans sa permission préalable, je n’ai fait connaître et je ne ferai connaître l’union secrète qui lie nos cœurs et nos destinées : je veux le voir et recevoir de sa propre bouche des instructions pour ma conduite future. Ne cherche point à ébranler ma résolution, Jeannette ; tu ne ferais que m’y confirmer ; et pour t’avouer la vérité, je veux une bonne fois connaître mon sort de la bouche même de mon époux : l’aller trouver à Kenilworth est le plus sûr moyen d’atteindre mon but. »

Jeannette, en repassant dans son esprit les difficultés et les incertitudes inhérentes à la position de l’infortunée comtesse, se sentit disposée à modifier l’opinion qu’elle avait d’abord émise, et commença à croire qu’après tout, puisque sa maîtresse avait quitté la retraite où l’avait placée son mari, son premier devoir était d’aller le trouver et de lui exposer les motifs de sa conduite. Elle savait quelle importance le comte attachait à ce que son mariage demeurât caché, et elle ne pouvait s’empêcher de reconnaître que toute démarche ayant pour but de le rendre public sans son autorisation, exposerait la comtesse au courroux de son époux. Si elle se retirait dans la maison de son père sans lui faire l’aveu formel de son rang, sa situation pouvait porter le plus grand tort à sa réputation, et si elle faisait un pareil aveu, il pourrait en résulter une rupture éternelle entre son époux et elle. À Kenilworth, d’ailleurs, elle pourrait plaider sa cause auprès de son époux lui-même, et Jeannette, quoiqu’elle n’eût pas de lui aussi bonne opinion que la comtesse, le croyait cependant incapable de s’associer aux moyens bas et criminels que ses agents mettaient en œuvre pour étouffer les plaintes de la comtesse sur les mauvais traitements auxquels elle venait de se soustraire. Mais en mettant les choses au pis, et en admettant que le comte lui-même lui refusât justice et protection, si elle se déci-