Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait apporté une lumière pour mettre le feu au bûcher de Latimer et de Ridley[1], lorsque le vent éteignit la torche de notre ami Jock Thong, et que personne ne voulait le rallumer ni par zèle ni pour argent.

— Tony Foster vit et prospère, dit l’hôte. Mais, mon neveu, ne vous avisez plus de l’appeler Tony Allume-Fagots, si vous ne voulez pas attraper un coup de poignard.

— Bah ! il a honte de ce surnom, dit Lambourne, lui qui avait coutume de s’en glorifier, et de dire qu’il aimait autant voir rôtir un hérétique qu’un bœuf !

— Fort bien, mon neveu ; mais c’était du temps de Marie, reprit l’hôte, quand le père de Tony était bailli de l’abbé d’Abingdon ; mais depuis cette époque Tony a épousé une précisienne[2], et il est aussi bon protestant que qui que ce soit.

— Il a un air important, marche la tête haute, et méprise ses anciens compagnons, dit le mercier.

— Alors il a prospéré, je vous le garantis, dit Lambourne ; car aussitôt qu’un homme gagne de l’argent, il s’éloigne de ceux dont la fortune dépend des autres,

— Diable ! s’il a prospéré ! dit le mercier : vous vous rappelez Cumnor-Place, ce vieil hôtel près du cimetière ?…

— À telles enseignes que j’en pillai trois fois le verger. Mais que voulez-vous dire ? C’était la résidence de l’abbé, quand la peste ou quelque maladie régnait à Abingdon.

— Oui, dit l’hôte, mais il y a long-temps de cela. Aujourd’hui Antony Foster est maître dans cette maison, et y vit par suite des bonnes grâces d’un homme puissant à la cour, qui tient de l’Église les terres de la Couronne. Il y demeure, et fait aussi peu de cas des habitants de Cumnor que s’il avait été fait chevalier.

— Pourtant, dit le mercier, ce n’est pas tout-à-fait par orgueil. Il y a une belle dame dans cette affaire, et Tony permet à peine à la lumière du jour de la visiter.

— Comment ! dit Tressilian, » qui pour la première fois prenait part à la conversation, « n’avez-vous pas dit que Foster était marié, et à une piécisienne ?

— Il était marié, et à une précisienne aussi rigide qu’on en vit jamais, et Tony et elle vivaient comme chien et chat, à ce qu’on dit. Mais elle est morte, que Dieu lui fasse paix ! et comme Tony n’a

  1. Réformateurs brûlés sous la reine Marie. a. m.
  2. Les précisiens étaient une espèce de puritains. a. m.