Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/462

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— Pour l’amour du ciel, madame, » dit le comte en s’approchant de la reine avec un mélange d’humilité, de mortification et de honte empreint sur tous ses traits, et parlant trop bas pour être entendu d’aucun autre, « prenez ma tête comme vous m’en avez menacé dans votre colère, mais épargnez-moi ces sarcasmes ; n’accablez pas un homme abattu ; ne foulez pas aux pieds un ver déjà écrasé.

— Un ver, » dit la reine du même ton : « un serpent, voulez-vous dire… c’est un reptile plus noble, et la comparaison serait plus exacte… Le serpent glacé dont vous parlez fut réchauffé dans le sein d’une certaine personne.

— Dans votre propre intérêt et dans le mien, madame, et tandis qu’il me reste encore une étincelle de raison…

— Parlez plus haut, milord, dit Élisabeth, et de plus loin, s’il vous plaît ; votre souffle amollit notre fraise… Qu’avez-vous à nous demander ?

— La permission de partir pour Cumnor-Place, » dit humblement le malheureux comte.

« Chercher votre nouvelle épouse, sans doute… C’est très juste, car, d’après ce que nous avons entendu, elle est en d’assez mauvaises mains là-bas… Mais, milord, vous n’irez pas en personne… Nous avons compté passer quelques jours dans ce château de Kenilworth, et notre hôte manquerait à la politesse s’il nous quittait pendant la résidence que nous voulons y faire. Tressilian ira à Cumnor à votre place avec quelqu’un des gentilshommes de notre chambre, de peur que milord Leicester ne redevienne jaloux de son ancien rival. Qui voudrais-tu pour compagnon, Tressilian ? »

Tressilian, se conformant à la volonté de la reine, désigna humblement Raleigh.

« Comment donc, dit la reine, sur ma parole, tu as fait un bon choix ! d’ailleurs c’est un jeune chevalier, et la délivrance d’une dame captive est précisément ce qui lui convient pour une première aventure ; car vous saurez, milords et mesdames, que Cumnor-Place ne vaut guère mieux qu’une prison. Il y a en outre certains traîtres que nous désirons faire mettre sous bonne garde. Nous vous remettrons, monsieur le secrétaire, le mandat nécessaire pour appréhender au corps Richard Varney et l’étranger Alasco, morts ou vifs. Prenez avec vous une force suffisante, messieurs ; amenez ici la dame en tout honneur, et que Dieu soit avec vous. »