Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/464

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à Kenilworth, ils lui devaient la politesse que le seigneur du château avait droit d’attendre de ses hôtes. Enfin les choses changèrent tellement de face en vingt-quatre heures, que quelques courtisans les plus expérimentés et des plus judicieux prévirent qu’il était très probable que Leicester recouvrerait son ancienne faveur, et réglèrent leur conduite envers lui de manière à pouvoir un jour se faire un mérite de ne l’avoir pas abandonné dans l’adversité. Il est temps cependant de laisser de côté toutes ces intrigues pour suivre Tressillan et Raleigh dans leur voyage.

La troupe était composée de six personnes ; car, indépendamment de Wayland, il y avait avec elles un sergent royal et deux vigoureux domestiques. Tous étaient bien armés, et allaient aussi vite qu’ils le pouvaient, sans épuiser leurs chevaux, qui avaient à faire une longue route. Ils cherchèrent à se procurer quelques nouvelles en parcourant le chemin qu’avaient suivi Varney et sa bande, mais ne purent rien apprendre, parce que ces derniers avaient voyagé de nuit. Dans un petit village à douze milles environ de Kenilworth, où ils s’arrêtèrent pour faire rafraîchir leurs chevaux, un pauvre ecclésiastique, curé de l’endroit, sortit d’une petite chaumière, et supplia celui de la compagnie qui connaîtrait la chirurgie d’entrer un moment pour visiter un homme mourant.

L’empirique Wayland offrit de faire de son mieux ; et, pendant que le curé le conduisait, il apprit que le malade avait été trouvé la veille au matin sur la grande route, à un mille environ du village, par des laboureurs qui allaient travailler, et que le curé lui avait donné asile dans sa maison. Il avait reçu un coup de feu dont la blessure paraissait évidemment mortelle ; mais était-ce dans une querelle ou par des brigands, c’est ce qu’on n’avait pu apprendre, la fièvre s’étant emparée de lui, et ses paroles n’ayant aucune suite. Wayland entra dans une chambre basse et sombre, et n’eut pas plutôt tiré de côté le rideau du lit, qu’il reconnut dans les traits défigurés du blessé ceux de Michel Lambourne. Sous prétexte d’aller chercher quelque chose dont il avait besoin, Wayland se hâta d’apprendre à ses compagnons de voyage cette circonstance extraordinaire ; et Tressilian, ainsi que Raleigh, remplis de craintes sinistres, s’empressèrent d’entrer dans la maison du curé pour voir le mourant.

Le misérable était alors livré aux angoisses de la mort, dont un plus habile chirurgien que Wayland n’aurait pu le sauver, car une balle lui avait traversé le corps. Il avait cependant en partie sa tête ;