Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/79

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— Et ce soir, avec la même franchise, vous direz à votre noble époux que Tressilian a découvert sa retraite qu’on prenait tant de soin de cacher, et qu’il a eu une entrevue avec vous ?

— Sans aucun doute ; ce sera la première chose que je lui dirai en rapportant mot pour mot tout ce que Tressilian m’a dit et tout ce que je lui ai répondu. Ce récit sera à ma honte ; car les reproches de Tressilian, quoique moins justes qu’il ne les croyait, ne sont pas tout-à-fait sans fondement. Ainsi donc, quoi qu’il m’en coûte, je parlerai, et je parlerai sans rien taire.

— Milady fera ce qui lui plaira ; mais il me semble qu’il vaudrait mieux, puisque rien ne vous oblige à une révélation aussi franche, vous épargner un chagrin, à milord des soins, et à M. Tressilian, puisqu’il doit être question de lui dans cette affaire, le danger qui peut en résulter pour lui.

— Je ne saurais prévoir aucune de ces terribles conséquences, » dit la comtesse avec calme, « à moins de supposer à mon noble époux des sentiments indignes de lui, et qui, j’en suis certaine, n’ont jamais eu accès dans son cœur généreux.

— Loin de moi une pareille idée, » dit Varney. Puis, après un moment de silence il ajouta avec un air de franchise réel ou affecté, mais bien différent de la politesse étudiée qui lui était ordinaire : « Eh bien ! madame, je vous ferai voir qu’un courtisan ose, tout aussi bien qu’un autre, dire la vérité lorsqu’il s’agit de l’intérêt de ceux qu’il honore et qu’il respecte, dût-il en résulter pour lui quelque danger… » Il s’arrêta comme s’il attendait l’ordre ou du moins la permission de continuer ; mais comme la comtesse gardait le silence, il poursuivit, en prenant toutefois quelques précautions oratoires. « Regardez autour de vous, ma noble dame, remarquez les barrières dont ce lieu est entouré, le soin mystérieux avec lequel le joyau le plus brillant de l’Angleterre a été soustrait aux regards de l’admiration ; voyez avec quelle rigueur on a limité vos promenades, circonscrit et restreint vos mouvements, dont la libre action dépend de ce brutal de Foster ; pesez tout cela, et jugez par vous-même quelle en peut être la cause.

— Le bon plaisir de milord, et je ne peux pas y voir d’autre motif.

— C’est son bon plaisir, il est vrai, et son bon plaisir prend sa source dans un amour digne de l’objet qui l’inspire. Mais celui qui possède un trésor et qui l’apprécie, est toujours soigneux, en proportion du prix qu’il y attache, de le mettre à l’abri de la rapacité des autres.