Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/103

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nôtre, et pas si pesamment chargé… Il doit avoir doublé le cap. Il y aura un hamac de suspendu pour vous à bord, et on fera de vous un homme et un marin du même coup. — Voilà qui me plairait assez, » dit Mordaunt ; car il désirait ardemment voir le monde plus que sa position solitaire ne le lui avait permis jusque-là ; « mais il faut que mon père consente. — Votre père ? bah ! dit le capitaine Cleveland ; mais vous avez raison, ajouta-t-il en se reprenant. Dieu ! j’ai vécu si long-temps sur mer, que je ne puis m’imaginer que personne ait droit qu’on pense à lui, sinon le capitaine et le contre-maître. Mais vous avez parfaitement raison. Je m’en vais trouver à l’instant le vieux bonhomme, et lui parler moi-même. Il demeure, je suppose, dans cette belle maison à la moderne que j’ai aperçue à un quart de mille ? — Non, il demeure dans le vieux château ruiné, répondit Mordaunt ; mais il ne veut recevoir aucune visite. — Alors, il faut arranger promptement les affaires vous-même, car je ne puis rester long-temps dans ces parages. Puisque votre père n’est point magistrat, il faut que j’aille voir ce susdit Magnus… comment l’appelez-vous ?… qui n’est pas juge de paix, mais qui saura cependant me faire bonne justice. Les brigands m’ont dérobé deux ou trois objets que je voudrais reprendre… Qu’ils gardent le reste, et s’en aillent au diable avec ! Voulez-vous me donner une lettre pour lui, une simple lettre d’introduction ? — C’est à peine nécessaire, dit Mordaunt. Il suffit que vous soyez naufragé et que vous ayez besoin de son secours… mais je puis néanmoins vous donner un billet de recommandation. — Tenez, » dit le marin, en tirant une écritoire de sa caisse, « voici ce qu’il vous faut pour écrire ;… cependant, puisque le pont a été rompu, je vais clouer les écoutilles, et mettre la cargaison en sûreté. »

Tandis que Mordaunt écrivait à Magnus Troil, et lui expliquait comment le capitaine Cleveland avait été jeté sur leurs côtes, le capitaine, après avoir tiré du coffre quelques objets de première nécessité pour en remplir une valise, prit en main marteau et clous, et se mit à assujétir le couvercle de la caisse, ce qu’il fit avec beaucoup d’adresse ; et enfin, pour dernière sûreté, il l’entoura d’une corde nouée avec une dextérité nautique. « Je laisse tout à votre garde, dit-il, excepté ceci, » et il montra la besace pleine d’or, « et cela, » et il désigna un sabre et des pistolets, « qui peut dorénavant m’épargner tout risque d’être obligé de dire adieu à mes portugaises. — Vous n’aurez aucune occasion de recourir aux armes dans ce pays, capitaine Cleveland, répliqua Mordaunt ; un en-