Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/105

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CHAPITRE IX.

le colporteur.


C’est un prudent et digne marchand ; il n’éblouira pas vos yeux, comme Autolycus, par des frivolités et des attrapes mondaines ; mais il assaisonne toutes ses brillantes marchandises de salutaires conseils appropriés à leur usage, comme on accommode une oie avec sauge et romarin.
Vieille Pièce.


Le matin suivant, Mordaunt, pour répondre aux questions de son père, entra dans quelques détails sur le marin naufragé qu’il avait arraché à la fureur des vagues. Mais il n’avait encore répété qu’une partie des renseignements que lui avait donnés Cleveland, lorsque M. Mertoun se troubla tout-à-coup… Il se leva précipitamment, et après avoir fait deux ou trois tours de chambre, il se rendit dans la pièce intérieure où il se retirait d’ordinaire quand il ressentait les attaques de sa maladie mentale. Le soir, il reparut sans aucune trace d’agitation ; mais on peut bien supposer que son file évita de revenir sur le sujet qui l’avait affecté.

Mordaunt Mertoun ne put donc recourir à personne pour se former une idée nette et réfléchie sur la nouvelle connaissance que la mer lui avait envoyée ; et, en somme, il fut surpris de trouver lui-même le résultat moins favorable pour l’étranger qu’il ne l’avait cru d’abord. Il semblait à Mordaunt qu’un instinct secret le repoussait de cet homme. À vrai dire, le capitaine était bien fait, ses manières étaient franches et prévenantes ; mais il parlait toujours d’un ton de supériorité que Mordaunt n’aimait pas du tout. Quoique le jeune Mertoun fût passionné pour la chasse, qu’il fût rare de posséder un fusil espagnol, et qu’en conséquence il le démontât mainte et mainte fois avec la plus grande curiosité, donnant toute son attention aux pièces les plus minutieuses du chien et des ornements, il ne pouvait cependant s’empêcher, au fond, d’avoir quelques scrupules sur la manière dont il l’avait acquis.

« Je n’aurais pas dû l’accepter, pensait-il ; peut-être le capitaine Cleveland me l’a-t-il donné comme paiement du léger service que je lui ai rendu ; et pourtant c’eût été malhonnête de refuser, à la manière dont il me l’offrait. Je souhaiterais qu’il eût davantage l’air d’un homme à qui on s’estime heureux d’avoir des obligations. »