Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/167

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« Choisissant les vainqueurs, appelant le carnage,
Sur vous plane d’Odin la fille âpre et sauvage ;
Entendez-vous ce choix proclamé devant tous ?
Le butin, la victoire, est le prix de vos coups,
Ou bien de Yalballa la salle prophétique,
La bière et l’hydromel, circulant au festin,
Et pour l’éternité leur mélange énergique,
Les transports de la joie, et les tournois d’Odin.
Guerriers, que votre élan partout se communique :
Vous volez au bonheur en volant à la mort,
Ou vous vivrez vainqueurs : vous êtes Fils du Nord ! »

« Les pauvres malheureux, les aveugles païens ! » dit Triptolème avec un soupir semblable à un gémissement ; « ils parlent de leur éternelle coupe d’ale, et je doute fort qu’ils sachent accommoder un petit champ de grain ! — Ils n’en sont que plus habiles, voisin Yellowley, répondit le poète, s’ils font de l’ale sans orge. — Sans orge !… bon Dieu ! » s’écria l’agriculteur mieux au courant, « qui a jamais ouï parler d’orge dans ces contrées ! De l’avoine, mon très cher ami, de l’avoine, voilà tout ce qu’ils récoltent et c’est miracle, à mon avis, qu’ils en aient jamais recolté un grain : Vous écorchez la terre avec un morceau de bois que vous appelez charrue… vous feriez aussi bien de lui donner une façon avec les dents d’un râteau. Ah ! il faut voir le soc, le coutre et le train d’une véritable charrue écossaise, avec un luron fort comme Samson entre les deux manches, pesant assez sur la machine pour niveler une montagne ; puis deux robustes bœufs suivis d’autant de chevaux à large poitrine, remuant terreau et fumier, et laissant dans le champ un sillon où l’eau coule comme dans un ruisseau ! Quand on a vu un pareil spectacle, on peut se vanter d’avoir été témoin d’une merveille bien autre que ces malheureuses histoires aussi vieilles que le monde, histoires de meurtres et de guerre, dont le pays fut trop souvent le théâtre pour que vous chantiez et célébriez sans cesse de semblables boucheries, monsieur Claude Halcro. — C’est une hérésie, » s’écria le petit poète furieux, en s’agitant et se démenant, comme si toute la défense de l’archipel des Orcades reposait sur son seul bras ; « c’est une hérésie rien que de nommer le pays natal de quelqu’un, quand il n’est point sur ses gardes et qu’il ne sait par où attaquer son ennemi. Il fut un temps où si nous ne savions pas faire de bonne ale ou de bonne eau-de-vie, nous savions bien comment en trouver qui fût tout apprêtée : mais aujourd’hui les descendants des rois de la mer, des champions et des Ber-