Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de moi, qu’il semblait être plutôt minuit que midi. Un éclair me montra à la fois le triste spectacle des bruyères, des marais, de la montagne et des précipices dont j’étais entourée. Un éclat de tonnerre réveilla tous les échos du Ward-hill, qui continuèrent si longtemps à répéter ce terrible bruit, qu’on eût pensé qu’un roc, détaché du faîte par la foudre, roulait de pics en précipices jusque dans la vallée ; immédiatement après tomba une pluie si abondante que je fus obligée, pour m’en garantir, de me glisser dans l’intérieur de cette pierre mystérieuse.

« Je m’assis sur le plus large lit de pierre qui est taillé à l’extrémité de la caverne, et, fixant mes yeux sur le plus petit, je m’épuisai en conjectures sur l’origine et l’usage de cette singulière retraite. Avait-elle été réellement creusée par le puissant Trolld, auquel la poésie des scaldes l’attribuait ? ou bien était-ce le tombeau de quelque chef Scandinave, enterré avec ses armes et ses richesses, peut-être aussi avec son épouse immolée, pour que tout ce qu’il avait eu de plus cher durant sa vie ne le quittât point après sa mort ? ou bien, était-ce la cellule de pénitence, choisie par quelque pieux anachorète des anciens jours ? ou l’œuvre inutile de quelque ouvrier errant que le hasard, le caprice et le loisir avaient poussé à entreprendre un tel travail ? Je vous dis les pensées qui se présentaient alors à mon esprit, afin que vous reconnaissiez que ce qui suivit n’était pas la vision d’une imagination prévenue ou frappée, mais une apparition aussi certaine qu’effrayante.

« Le sommeil m’avait peu à peu gagnée au milieu de ces réflexions, quand je fus soudain réveillée par un second coup de tonnerre ; et, lorsque je me levai, j’aperçus au jour obscur que l’ouverture supérieure laissait pénétrer, le nain Trolld lui-même assis en face de moi sur la couche plus petite que sa taille difforme semblait couvrir entièrement. Je tressaillis, mais non pas de frayeur, car le sang de l’ancienne race de Lochlis coule dans mes veines. Il parla, et ses paroles étaient en norse si vieux que peu de gens, excepté mon père et moi, en auraient pu comprendre la signification. C’était la langue qu’on parlait dans ces îles avant qu’Olave y plantât la croix sur les ruines du paganisme. Le sens en était aussi obscur et aussi difficile que celui des réponses que les prêtres païens avaient coutume de faire, au nom de leurs idoles, aux tribus qui se rassemblaient sur l’Helgafels[1] ; voici ses paroles :

  1. Helgafels est la montagne que les prêtres scandinaves consacraient au culte de leur idole. a. m.