Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/292

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— Il n’est que trop vrai, » répondit Minna à voix basse ; « mais je ne sais… elle peut répondre à une question… À une question que l’infortuné ose seul adresser à l’infortuné. — Bah ! ma cousine n’est pas dans la misère, » répliqua l’udaller, qui n’avait entendu qu’à moitié ; « elle a un bon revenu, tant ici qu’aux Orcades, et on lui paie plus d’un lispund de beurre ; mais le pauvre en jouit plus qu’elle-même ; aussi honte aux Shetlandais qui n’imitent pas son exemple ! le reste, elle le dépense, je ne sais comment, dans ses excursions dans les îles. Mais vous rirez de voir sa maison, et Nick Strumpfer, qu’elle appelle Pacolet. Bien des gens pensent que Nick est le diable, mais il est de chair et d’os, comme nous autres ; son père demeurait à Gremsay. J’aurais du plaisir à revoir Nick. »

Tandis que l’udaller discourait ainsi, Brenda, en qui le bon sens remplaçait l’imagination dont sa sœur était douée, méditait en elle-même sur l’effet probable de cette visite sur la santé de Minna. Elle prit enfin la résolution de parler à son père en particulier, à la première occasion qui se présenterait durant leur voyage. Elle se détermina à lui communiquer tous les détails de leur entrevue nocturne avec Norna, visite à laquelle, entre autres causes d’agitation, elle attribuait l’abattement de Minna, et de le rendre lui-même juge s’il fallait persister à se rendre près d’une personne si singulière, et exposer la jeune fille au choc terrible que pourrait produire sur elle une nouvelle entrevue.

Au moment où elle arrivait à cette conclusion, son père, époussetant les miettes qui étaient restées sur son habit brodé, d’une main, et recevant de l’autre une quatrième coupe d’eau-de-vie et d’eau simple, but dévotement au succès de leur voyage, et ordonna qu’on se préparât à se remettre en route. Tandis qu’on sellait les chevaux, Brenda eut quelque peine à faire comprendre à son père qu’elle voulait lui parler en secret ; c’était une demande très extraordinaire pour l’honnête udaller, qui, bien que discret pour un très petit nombre de choses qu’il regardait comme des secrets d’importance, était si loin d’user de mystère en général, que ses plus sérieuses affaires étaient souvent discutées par lui en présence de toute sa famille, y compris les domestiques.

Mais son étonnement fut plus grand encore, lorsque, restant à dessein avec sa fille Brenda un peu en arrière, il entendit les particularités de la visite de Norna à Burgli-Westra, et les communications qu’elle avait alors faites à ses filles. Il resta long-temps sans pouvoir proférer autre chose que des interjections, et finit par