Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/304

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sans vous excepter vous-même, vient solliciter les conseils et le secours ? Quand on parle à la Reim-Kennar, il faut baisser la voix, car c’est elle devant qui les vents et les mers apaisent leur souffle et leurs vagues. — Vents et vagues peuvent s’apaiser si bon leur semble, reprit le fier udaller ; mais je ne me tairai pas, moi. Je parle dans la maison d’un ami comme dans la mienne, et ne baisse pavillon devant personne. — Et espérez-vous, par cette brutalité, me forcer à répondre à vos questions ? — Cousine, je ne connais pas si bien que vous les vieilles ballades norses, mais je sais parfaitement que, quand autrefois nos pères allaient trouver les devins ou les devineresses, ils entraient toujours avec leurs haches sur l’épaule et leurs bonnes épées nues à la main, et forçaient la puissance qu’ils invoquaient à les entendre et à leur répondre. Oui, ils le faisaient, cette puissance fût-elle Odin lui-même. — Cousin, » dit alors Norna en se levant de son siège et en s’avançant, « tu as parlé bien et à propos pour toi et pour tes filles ; car si tu avais repassé le seuil de ma porte sans avoir tiré une réponse de moi, le soleil du matin n’aurait pas lui sur vous. Les esprits qui me servent sont jaloux, et ne veulent pas être employés au service de l’humanité, à moins de s’y voir contraints par l’importunité intrépide d’un mortel brave et libre. Maintenant, parle : que veux-tu de moi ? — La santé de ma fille, qu’aucun remède n’a encore pu rétablir. — La santé de ta fille ? et quel est le mal de cette enfant ? — C’est au médecin à désigner la maladie par son nom ; tout ce que je puis vous dire, c’est que… — Silence ! » dit Norna en l’interrompant ; « je sais ce que tu pourrais dire, et plus que tu n’en sais toi-même. Asseyez-vous tous… Et toi, jeune fille, » dit-elle en s’adressant à Minna et en lui montrant la chaise qu’elle venait de quitter, « assieds-toi sur cette chaise où s’asseyait jadis Gievada, dont la voix faisait disparaître les étoiles et pâlir la lune elle-même. »

Minna se dirigea d’un pas lent et tremblant vers le siège grossier qui lui était indiqué. Il était de pierre, et le ciseau malhabile d’un ouvrier goth semblait avoir voulu lui donner la forme d’une chaise.

Brenda, se rapprochant le plus possible de son père, se plaça de même que lui sur un banc à quelque distance de Minna, et tint constamment les yeux fixés sur elle, avec un mélange de crainte, de pitié et d’inquiétude. Il serait vraiment impossible de décrire les émotions qui agitaient en ce moment cette aimable et tendre fille. N’ayant point la vivacité d’imagination qui dans sa sœur dominait toute autre qualité, et peu disposée à croire au merveilleux, elle ne