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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/323

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corrompt de bonnes manières. — Oh ! oh ! le ciel nous soit en aide ! reprit l’udaller ; qu’y a-t-il donc ? Bah ! l’ami, si vous voulez mettre la charrue dans une terre neuve, il faut vous attendre à heurter une pierre de temps à autre… Vous devez nous donner l’exemple de la patience, puisque vous venez ici pour nous améliorer. — Et le diable était à mes pieds quand je suis venu, répliqua le facteur ; j’aurais mieux fait d’entreprendre d’améliorer le sol rocailleux de Clochnaben. — Mais après tout, demanda Magnus, que vous est-il arrivé ?… De quoi vous plaignez-vous ? — De tout ce qui m’est arrivé depuis l’instant où j’ai débarqué dans cette île, qui fut, je crois, maudite dès la création, et destinée à servir d’habitation aux filous, aux voleurs, aux filles de joie (je demande pardon à ces dames), aux sorcières, aux démons et aux mauvais esprits. — Sur ma foi, charmante énumération ! s’écria Magnus ; et il a été un temps où si vous en eussiez dit la moitié autant, je me serais senti en humeur d’améliorer et j’aurais tâché d’amender vos manières à coups de bâton. — Supportez-moi, reprit le facteur, monsieur le fowd, ou monsieur l’udaller, ou quelque autre nom qu’on doive vous donner : vous êtes fort, soyez compatissant, et considérez le malheureux sort de tout individu sans expérience qui entre dans votre paradis terrestre. Il demande à boire, on lui donne du petit-lait aigre… soit dit sans vouloir déprécier votre eau-de-vie, fowd, qui est excellente… Il demande à manger, et on lui sert des sillocks aigres que Satan laisserait sur le plat… Vous appelez vos laboureurs pour leur donner de l’ouvrage ; il se trouve que c’est la fête de saint Magnus, la fête de saint Ronan ou de quelque autre saint infernal… ou bien, ils ont monté sur leur lit du mauvais pied ; ils ont vu un hibou ; un lapin a passé devant eux ; ils ont rêvé à un cheval rôti… bref, il ne faut pas travailler… Donnez-leur une pioche, ils travaillent comme si elle leur brûlait les doigts ; mais envoyez-les à la danse, et voyez quand ils finiront leurs pirouettes et leurs entrechats ! — Et pourquoi s’arrêteraient-ils, les pauvres gens, dit Claude Halcro, tant qu’ils ont de bons violons pour les faire danser ? — Oui, oui, » reprit Triptolème en branlant la tête, « vous êtes l’homme qu’il leur faut pour les tenir en pareille humeur. Eh bien, pour continuer, je laboure une pièce de ma meilleure terre ; vient un mendiant effronté qui a besoin d’un enclos à légumes ou d’un plaintie cruive, comme vous dites, et voilà qu’il plante une haie au milieu de mon superbe champ de grain, sans plus de gêne que s’il était et propriétaire et fermier ; dites-lui ce que vous voudrez, il y plante ses