Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/420

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leurs il avait souvent considéré sa position avec horreur, et plusieurs fois il avait tenté de vains efforts pour en sortir.

De semblables pensées de repentir occupaient son esprit en ce moment, et l’on peut lui pardonner si le souvenir de Minna s’y mêlait pour les rendre plus poignantes. Il promenait aussi ses regards sur ses camarades, et tout scélérats, tout endurcis qu’il les connût, il ne pouvait s’abstenir de songer qu’ils payeraient peut-être pour son obstination. « Nous serons prêts à partir avec la marée descendante, » se disait-il à lui-même « pourquoi exposerais-je ces malheureux, en les retenant jusqu’à l’heure du danger prédit par cette femme extraordinaire ? Quels que soient les moyens qu’elle emploie pour se les procurer, ses nouvelles sont toujours merveilleusement vraies ; elle m’a donné son avertissement du ton solennel que prend une mère pour reprocher ses crimes à un fils coupable et lui en annoncer le prochain châtiment. D’ailleurs, quelle chance me reste-t-il de voir encore Minna Troil ? Elle est à Kirkwall, sans doute, et m’y rendre serait diriger mon navire droit sur des rochers. Non, je n’exposerai pas ces pauvres diables… Je mettrai à la voile avec la marée. Je quitterai le vaisseau aux tristes îles Hébrides, ou sur la côte nord-ouest d’Irlande, et je reviendrai ici sous quelque déguisement… Et encore, pourquoi y reviendrai-je… puisque ce pourrait être seulement pour voir Minna mariée à Mordaunt ?… Que le vaisseau parte sans moi à la marée descendante. Je veux rester et subir ma destinée. »

Ses méditations furent interrompues par Jack Bunce, qui, l’appelant du nom de noble capitaine, lui annonça qu’on était prêt à lever l’ancre dès qu’il lui plairait.

« Quand il vous plaira, Bunce ; car je vais remettre le commandement entre vos mains et aller à Stromness, dit Cleveland. — Vous n’exécuterez pas un pareil projet, par le ciel ! s’écria Bunce. À moi le commandement, vraiment oui ! et comment diable forcerais-je l’équipage à m’obéir ? Jusqu’à Dick Fletcher qui fait le rodomont avec moi de temps à autre ! Vous savez parfaitement que sans vous, nous nous serions égorgés mutuellement au bout d’une demi-heure ; et si vous nous quittez, importe-t-il de la valeur d’un bout de corde que nous soyons assommés par les croiseurs du roi, ou éventrés les uns par les autres ? Allons, allons, notre capitaine, il y a bien assez de fillettes aux yeux noirs dans ce monde ; mais où retrouverez-vous un aussi joli bâtiment que notre petite Favorite, montée comme elle l’est par une bande de gaillards déterminés,