Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/422

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« Ma foi, j’ai fait ce matin une petite escapade jusqu’au village et bu un verre avec une vieille connaissance que M. Troil avait envoyée voir comment allaient les affaires ; j’ai tiré les vers du nez à mon homme, et il m’a appris plus de choses que je ne voudrais vous en dire, noble capitaine. — Et quel est votre conteur de nouvelles ? n’a-t-il pas de nom ? — Ma foi, c’est un mien ami, déjà vieux, enragé musicien, un peu fou, et que je nomme Halcro, si vous voulez le savoir. — Halcro ! » répéta Cleveland les yeux étincelants de surprise… « Claude Halcro !… Mais il est venu à terre avec Minna et sa sœur à Inganess… Où sont-elles ? — C’est précisément ce que je n’avais pas envie de vous dire… Pourtant je veux être pendu si je puis m’en empêcher, car il m’est impossible de déranger une si belle situation. Ce tressaillement a produit un bel effet… oh ! oui, et la lorgnette est tournée vers le château de Stennis à présent !… Eh bien, c’est là qu’elles sont… et pas merveilleusement gardées encore. Quelques vassaux de la vieille sorcière sont descendus de cette montagne de l’île d’Hoy, comme ils l’appellent, et le vieux gentilhomme a lui-même fait prendre les armes à quelques gaillards. Mais qu’importe tout cela, noble capitaine ?… lâchez-nous seulement un mot, et nous happons les fillettes cette nuit… nous les renfermons en cale… nous coupons le câble à la pointe du jour… nous déployons les voiles… et nous partons avec la marée du matin. — Vous me rendez malade avec votre infamie, » répliqua Cleveland en se détournant de Bunce.

« Bah !… infamie, et je vous rends malade ! s’écria Bunce… Mais, je vous prie, qu’ai-je proposé qui n’ait pas été cent fois exécuté par des gentilshommes de fortune ? — En voilà assez ! » répliqua Cleveland. Il fit alors un tour sur le tillac, plongé dans de sombres rêveries ; et revenant à Bunce, il le prit par la main et lui dit : « Jack, je veux la revoir encore une fois. — De tout mon cœur ! » répliqua Bunce d’un air chagrin.

« La revoir encore une fois, et peut-être abjurer à ses pieds cette maudite profession, expier mes crimes — À la potence ! » dit Bunce en finissant la phrase. « De tout mon cœur !… Confessez-vous et soyez pendu est un proverbe très respectable. — Non… mais, cher Jack ! s’écria Cleveland. — Cher Jack ! » répliqua Bunce toujours du même ton, « vous avez été aussi bien cher au cher Jack. Mais agissez selon votre bon plaisir… je ne mettrai plus le nez dans vos affaires… je vous rendrais encore malade par mes infamies. »