Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/424

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non, maintenant que tout l’équipage s’est donné un mal de chien à charger toutes ces provisions à bord ? — Messieurs, dit Bunce, vous saurez que Cupidon a pris noire capitaine à bord, et qu’il dirige le vaisseau, ayant cloué l’esprit du capitaine sous les écoutilles. — Quelle chanson nous chante-t-il là ? » dit le contre-maître d’un air rechigné ; « si vous avez quelque chose à nous dire, dites-le en deux mots, et parlez comme tout le monde. — Cependant, dit Fletcher, j’ai toujours pensé que Jack Bunce parlait comme un homme, et agissait comme un homme aussi… Aussi, voyez-vous… — Silence, mon cher Dick, mon vaillant camarade, silence ! dit Bunce… Messieurs, en un mot, le capitaine est amoureux. — Oh, bah ! qui s’en serait douté ? s’écria le contre-maître ; ce n’est pas que j’aie aimé moins souvent qu’un autre, mais c’était pendant que le vaisseau était à l’ancre. — Bien ! continua Bunce ; mais le capitaine Cleveland est amoureux… Oui… le prince Volscius brûle d’amour ; et quoique ce soit matière à rire sur la scène, il n’y a guère de quoi rire ici. Il se propose de voir la jeune fille demain matin pour la dernière fois ; mais cette entrevue en amènera une autre, comme nous savons tous, et cette autre une troisième, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’Alcyon tombe sur nous, et alors nous recevrons plus de taloches que de sous. — Par — —, » dit le contre-maître avec un jurement sonore, « nous nous révolterons et ne lui permettrons pas d’aller à terre… Hein, Derrick ! — C’est ce qu’il y a de mieux à faire, répondit le quartier-maître. — Qu’en pensez-vous, Jack Bunce ? » dit Fletcher, à l’oreille de qui ce conseil sonnait agréablement, mais qui interrogeait encore son compagnon des yeux.

« Pour moi, voyez-vous, messieurs, dit Bunce, je ne veux pas de révolte, et, le diable m’enterre ! malheur à quiconque se révoltera ! — Alors je ne me révolterai pas non plus ; mais qu’allons-nous faire, puisque, quoi qu’il en soit… — Restez bouche close, Dick, s’il vous plaît ! répliqua Bunce… Maintenant, contre-maître, j’approuve assez votre opinion qu’il faut mettre le capitaine à la raison un peu par force ; mais vous savez tous qu’il a le feu d’un lion, et qu’il ne fera rien à moins qu’on ne le laisse agir à sa guise. Eh bien ! je vais aller à terre et préparer le rendez-vous. La fille vient au lieu convenu demain matin, et le capitaine s’y rend de son côté… Nous prendrons alors avec nous dans la chaloupe assez de monde pour ramer contre marée et courant, et nous nous tiendrons prêts, au signal donné, à sauter à terre, et à emmener le capitaine et la fille bon gré mal gré. Notre jeune capricieux ne nous en voudra