Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moi, et me laissa pour mort sur les côtes d’une des îles Bermudes. Je guéris cependant, et mon premier soin, après une longue maladie, fut de m’enquérir du sort de Clément. J’appris qu’il avait été aussi abandonné par un équipage rebelle, et débarqué sur une île déserte pour y mourir de faim… Je crus qu’il avait péri. — Et qui vous assure maintenant du contraire ? dit Ulla ; ou comment se fait-il que Cleveland se soit identifié avec Vaughan ? — Changer de nom est chose commune parmi des aventuriers ; et Clément a sans doute trouvé que le nom de Vaughan était devenu trop fameux… Ce changement m’a donc empêché de recevoir de ses nouvelles. Ce fut alors que le remords me saisit, et que, prenant tout l’espèce humaine en horreur, et surtout le sexe auquel appartenait Louisa, je résolus de faire pénitence tout le reste de ma vie dans les sauvages îles Shetland. Me soumettre à des jeûnes et m’infliger la discipline, tel fut l’avis que me donnèrent de saints prêtres catholiques. Mais j’imaginai une expiation moins ridicule… Je résolus d’emmener avec moi l’infortuné Mordaunt, et de le garder toujours sous mes yeux comme une preuve vivante de ma misère et de mon crime. Je l’ai fait, et la vue continuelle de ce reproche vivant a souvent failli m’ôter la raison. Et maintenant pour mettre le comble à mon malheur, mon Cleveland… mon propre, mon véritable fils… revient à la vie pour aller recevoir une mort infâme, grâce aux machinations de sa propre mère ! — Allons, allons ! » dit Norna avec un sourire, lorsqu’elle eut écouté l’histoire jusqu’au bout, « je comprends : c’est un conte fabriqué par le vieux pirate pour m’intéresser en faveur d’un jeune et coupable camarade. Comment aurais-je pu prendre Mordaunt pour mon files, s’il y a une si grande différence d’âge ? — Un teint brun et une taille virile peuvent avoir beaucoup fait, une imagination exalté aura fait le reste. — Mais prouvez-moi… prouvez-moi que ce Cleveland es mon fils, et croyez que ce soleil qui nous éclaire se couchera à l’orient, avant que personne ait la puissance de toucher un seul cheveux de sa tête. — Ces papiers, ces journaux, » dit Mertoun en lui présentant le portefeuille, « voilà des preuves. — Je ne saurais les lire, — dit-elle après avoir essayé, « la tête me tourne. — Clement avait aussi des marques auxquelles vous pouviez le reconnaître, mais ses vainqueurs ont dû le dépouiller de tout. Il avait une boite d’argent avec une inscription runique, dont vous m’aviez fait présent dans des jours plus heureux. Il y avait encore une chaîne d’or. — Une boîte ! dites-vous ? » s’écria aussitôt Norna ; «  Cleveland