Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/80

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vous eût pas donné la meilleure part de ce qu’on avait de meilleur. Vous devez avoir vu Norna de Fitful-Head ? elle est allée à Stourburgh le matin, et est revenue à la ville cette nuit. — Revenue !… elle est donc ici ? Comment a-t-elle pu faire trois lieues et plus en si peu de temps ? — Et qui sait comment elle voyage ? Mais je lui ai entendu dire de mes propres oreilles au Rauzellaer, qu’elle se proposait ce jour-là d’aller à Burgh-Westra, pour parler à Minna Troil ; mais qu’elle avait vu à Stourburgh, c’est-à-dire à Harfra, car elle ne désigne jamais cette maison par un autre nom, des choses qui la ramenaient au village. Mais cherchez un peu, et vous trouverez abondamment de quoi souper : notre buffet n’est pas vide, et moins encore fermé, quoique mon maître soit étranger, et il délie aisément le cordon de son sac, comme dit le Rauzellaer. »

Mordaunt se dirigea donc vers la cuisine, où les soins empressés de Swertha lui eurent bientôt préparé un repas abondant, quoique simple, qui l’indemnisa de la maigre hospitalité de Stourburgh.

Le matin, quelques restes de fatigue firent rester le jeune Mertoun plus tard que de coutume au lit ; de sorte que, contrairement à son habitude, il trouva son père dans la pièce où ils mangeaient, et qui leur servait d’appartement commun. Le fils salua le père par une révérence muette, et attendit qu’il lui adressât la parole.

« Vous étiez absent hier, Mordaunt ? » demanda M. Mertoun. L’absence de Mordaunt avait duré une semaine et plus ; mais il avait souvent remarqué que son père ne paraissait jamais s’apercevoir du temps qui s’écoulait pendant qu’il était attaqué de ses vapeurs sombres ; le fils répondit affirmativement à la question qui lui était faite.

« Et vous étiez à Burgh-Westra, je pense ? continua le père. — Oui, monsieur, » répondit Mordaunt.

M. Mertoun père se tut pendant quelques minutes, et se promena dans la salle en gardant le silence avec un air de sombre réflexion, tel qu’il semblait prêt à retomber dans ses accès de tristesse. Se tournant soudain vers son fils, il lui dit pourtant d’un ton interrogatif : « Magnus Troil a deux filles… elles doivent être à présent de jeunes femmes, et passent pour fort jolies, n’est-ce pas ? — Oui généralement, monsieur, » répondit Mordaunt fort surpris d’entendre son père lui adresser la moindre question sur des individus d’un sexe qu’il prisait d’ordinaire si peu, surprise qui fut beaucoup augmentée par la demande suivante, faite aussi brusquement que la première :