Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/83

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pour le moment, et qu’il trouvait la montée plus rude et plus fatigante que de coutume. Voler à son côté et lui offrir en silence le secours de son bras, était un de ces actes de déférence que les jeunes gens doivent à tous les vieillards, aussi bien qu’un devoir de tendresse filiale ; Mertoun sembla d’abord le recevoir ainsi, car il usa, sans prononcer un mot, de l’assistance qu’on lui procurait par cette attention.

Mais ce fut seulement pendant deux ou trois minutes. Ils n’avaient pas fait ensemble une cinquantaine de pas qu’il repoussa Mordaunt loin de lui brusquement et même avec rudesse ; et comme si un souvenir soudain lui redonnait toute sa vigueur, il se mit à gravir la pente à grands pas et si rapidement, que Mordaunt, à son tour, fut obligé d’employer toutes ses forces pour le suivre. Il connaissait le caractère bizarre de son père ; il savait, d’après plusieurs légères circonstances, qu’il n’en était pas aimé, bien que M. Mertoun se donnât de la peine pour l’éducation du jeune homme, et qu’il parût n’avoir pas d’autre souci sur la terre que le soin de son fils. Mais la conviction ne lui en avait jamais été donnée d’une manière plus forte et plus évidente qu’en cette occasion où Mertoun rejetait avec une brusquerie impardonnable un secours que les vieillards acceptent avec empressement, même de jeunes gens avec lesquels ils sont peu liés, comme un tribut qu’il est aussi juste de payer que de recevoir. Mertoun cependant ne sembla point s’apercevoir de l’effet que sa boutade avait produit sur son fils. Il s’arrêta sur une espèce de terrasse unie où ils arrivaient et parla à Mordaunt avec un ton d’indifférence qui semblait quelque peu affecté.

« Puisque vous avez si peu de motifs, Mordaunt, pour rester dans ces lies sauvages, je suppose que parfois vous souhaitez de voir un peu plus le monde ? — Sur ma parole, mon père, je ne puis dire que j’aie jamais eu une telle pensée. — Et pourquoi non, jeune homme ? rien de plus naturel, je trouve, à votre âge. À votre âge le beau et varié spectacle de la Grande-Bretagne ne pouvait me satisfaire ; bien moins encore doit suffire un peu de tourbe et de mousse baigné de toutes parts par la mer. — Je n’ai jamais songé à quitter les îles Shetland, mon père. Je suis heureux ici, et j’y ai des amis. Et vous-même, monsieur, vous me regretteriez, à moins cependant… — Allons, vous ne me persuaderez pas, » dit le père un peu brusquement, « que vous restez ici, ou désirez y rester pour l’amour de moi ? — Et pourquoi pas, mon père, » répondit