Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/107

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tourna à droite et à gauche, puis regarda en face d’elle, et enfin ayant pris tous les airs d’embarras et de timidité qu’elle jugeait convenables pour cacher une certaine assurance de repartie qui lui était au fond beaucoup plus naturelle, elle répondit qu’effectivement son père était fort distrait, et qu’elle avait entendu dire qu’il tenait cette habitude de son grand-père.

« Votre grand-père ? » dit sir Mungo, affectant de douter qu’il eût bien entendu. « A-t-elle dit son grand-père ? La jeune fille est timbrée, à ce qu’il paraît ; je ne connais pas de fille de ce côté du Temple qui puisse parler d’un parent si éloigné. — Elle a un parrain, du moins, sir Mungo, » répliqua George Heriot intervenant encore, « et j’espère qu’il aura assez de crédit sur vous pour obtenir que vous ne fassiez pas rougir de la sorte sa jolie filleule. — Tant mieux, tant mieux pour elle ! dit sir Mungo, cela lui fait honneur, étant née et élevée dans la paroisse de Bow-Bell, de pouvoir rougir de quelque chose ; et, sur mon âme, ajouta-t-il en caressant sous le menton la jeune personne irritée qui se reculait, « elle est assez jolie pour se passer d’aïeux, du moins dans une région comme Cheapside, où la pelle ne peut reprocher au fourgon… »

La jeune personne rougit encore, mais ce fut avec moins de colère. Maître George Heriot se hâta d’empêcher la conclusion du proverbe trivial de sir Mungo, et le présenta personnellement à lord Nigel. Sir Mungo n’entendit pas d’abord très-bien ce que lui dit son hôte. « Que diable dites-vous ? » s’écria-t-il.

Le nom de Nigel Olifaunt, lord de Glenvarloch, lui ayant été une seconde fois corné dans l’oreille, il se redressa, et regardant le maître de la maison d’un air grave, lui reprocha de ne pas avoir commencé par présenter l’un à l’autre des gens de qualité afin qu’ils pussent échanger leurs civilités avant de se mêler aux autres individus de la société. Il fit ensuite à sa nouvelle connaissance un salut aussi noble et aussi gracieux que cela était possible à un homme estropié de la main et de la jambe, et lui apprenant qu’il avait connu le feu lord son père, il lui souhaita la bienvenue à Londres, en ajoutant qu’il espérait le rencontrer à la cour.

Nigel comprit aussitôt, à l’air de sir Mungo, et à la manière dont son hôte se pinçait les lèvres pour s’empêcher de rire, qu’il avait affaire à un original d’un genre peu commun, et en conséquence il lui rendit sa politesse dans toutes les formes voulues par l’étiquette. Sir Mungo pendant ce temps le regardait avec