Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès que cette étrange personne fut entrée dans l’appartement, elle porta les yeux sur Nigel, et s’arrêta comme ne sachant si elle devait avancer ou se retirer. Le regard qu’elle jeta sur l’étranger annonçait plutôt le doute et l’irrésolution que l’embarras de la timidité. La tante Judith la prit par la main et la conduisit lentement vers la chaise qui lui était réservée ; pendant ce temps, ses yeux noirs restaient fixés sur Nigel avec une mélancolie dont il se sentit singulièrement ému. Même après qu’elle se fut assise sur le siège vide qui l’attendait, elle le regarda plus d’une fois encore avec une expression pensive et inquiète, mais sans confusion ni timidité, et sans que la plus faible rougeur vînt colorer ses joues.

Aussitôt que cette femme singulière eut pris le livre de prières qui était posé sur son coussin, elle parut absorbée dans ses devoirs de dévotion. Quoique l’attention que Nigel donnait aux prières eût été troublée par cette apparition extraordinaire, au point de lui faire porter fréquemment ses regards sur elle, cependant il ne remarqua pas une seule fois qu’elle détachât les yeux du livre qu’elle tenait à la main, ou que son attention s’écartât du devoir qu’elle remplissait. Nigel, au contraire, eut de fréquentes distractions : vainement son père l’avait-il habitué à donner l’attention la plus respectueuse au service divin, ses pensées, en dépit de lui-même, furent distraites par la présence de cette créature extraordinaire, et il désirait ardemment que les prières fussent terminées, dans l’espoir que sa curiosité serait satisfaite à cet égard. Quand le service fut fini et que chacun, suivant la coutume édifiante de l’Église, fut resté pendant quelques moments concentré dans une dévotion mentale, la dame mystérieuse se leva avant que personne eût bougé, et Nigel remarqua qu’aucun des domestiques ne quitta sa place, ou même ne fit le moindre mouvement jusqu’à ce qu’elle eût été ployer le genou devant Heriot qui, posant la main sur sa tête, sembla la bénir avec un geste solennel et un regard mélancolique. Elle s’inclina ensuite, mais sans s’agenouiller, devant mistress Judith ; et ayant accompli ces deux actes de respect, elle quitta l’appartement. Cependant, avant de disparaître, elle tourna encore une fois sur Nigel un regard pénétrant et fixe qui le força de détourner le sien. Lorsqu’il voulut le reporter sur l’inconnue, il ne vit plus que le pan de sa robe blanche, et la porte se referma.

Les domestiques se levèrent et se dispersèrent alors ; du vin,