Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/133

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emporte ma langue ! elle va plus vite que mon jugement… Il me suffit de vous dire que vous feriez mieux de placer votre lit nuptial sous un toit prêt à tomber en ruine que de penser au jeune Glenvarloch. — Il est donc malheureux ? dit Marguerite ; je le savais, je l’avais deviné… Il y avait quelque chose de triste dans sa voix, même quand il disait quelque chose de gai… il y avait une teinte de douleur dans son sourire mélancolique… Il ne se serait pas ainsi emparé de mes pensées, si je l’avais vu dans tout l’éclat de la prospérité — Les romans lui ont tourné la tête, dit la dame Ursule ; c’est une fille perdue… entièrement perdue… Aimer un lord écossais, et ne l’en aimer que mieux parce qu’il est malheureux ! Eh bien, mistress, je suis très-fâchée qu’il s’agisse d’une chose dans laquelle je ne puis vous aider… ce serait contre ma conscience, et c’est une affaire au-dessus de mon état et de mon art… mais je vous garderai le secret. — Vous n’aurez pas la lâcheté de m’abandonner après m’avoir arraché mon secret, » s’écria Marguerite avec indignation… « Si vous l’osez, je sais un moyen d’en tirer vengeance ; et si vous me servez, au contraire, vous en serez largement récompensée. Rappelez-vous que la maison qu’habite votre mari appartient à mon père. — Je ne me le rappelle que trop bien, » reprit Ursule après un moment de réflexion, « et je voudrais pouvoir vous servir par tous les moyens qui sont à ma portée ; mais comment me mêler d’affaires où il est question de gens de rang ?… Je n’oublierai jamais la pauvre mistress Turner, mon honorée protectrice ; Dieu veuille avoir son âme ! elle eut le malheur de se mêler de l’affaire de Sommerset et d’Overbury ; le grand seigneur et sa femme trouvèrent le moyen de sauver leur cou, et de la laisser, elle et une demi-douzaine d’autres, souffrir à leur place. Jamais je n’oublierai quel spectacle c’était de la voir montée sur l’échafaud, ayant autour de son joli cou la collerette apprêtée à l’empois jaune, que je l’avais si souvent aidée à faire, et qui devait bientôt être remplacée par une grossière corde de chanvre. Une telle vue, mon cœur, est faite pour inspirer la crainte de se mêler d’affaires dangereuses auxquelles on ne touche point sans risquer de s’y brûler les doigts. — Allons donc, folle que vous êtes ! est-ce que c’est moi qui puis vous engager à des pratiques aussi criminelles que celles pour lesquelles on fit périr cette misérable ? Tout ce que je vous demande, c’est de vous informer exactement des affaires qui amènent ce jeune seigneur à la cour. —