Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/183

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ges des grands artistes d’autrefois, et entre autres d’un certain individu qu’il avait connu dans sa jeunesse, maître de cuisine du maréchal Strozzi, très-bon gentilhomme pourtant, qui avait entretenu tous les jours la table de son maître, laquelle était de douze couverts, pendant le long et rigoureux blocus du petit Leith, quoiqu’il n’eût autre chose à y servir qu’un quartier de cheval de temps en temps, et les mauvaises herbes qui croissaient sur les remparts. « De par Dieu, c’était un homme superbe ! Avec une tête de chardon et une ou deux orties, il pouvait faire un potage pour vingt personnes… la cuisse d’un petit chien nouveau-né lui fournissait un rôti des plus excellents. Mais son coup de maître fut, lors de la reddition de la place… Dieu me damne !… de trouver le moyen de tirer d’un derrière de cheval salé, quarante-cinq plats, apprêtés de telle façon, que les officiers anglais et écossais qui eurent l’honneur de dîner avec monseigneur dans cette occasion, se donnaient au diable pour deviner de quoi ils étaient faits.

Le bon vin avait déjà circulé si gaiement, et avait eu un effet si puissant sur les convives, que ceux qui étaient au bas bout de la table, et qui jusque là s’étaient bornés à écouter, commencèrent à changer de rôle ; ce qui ne tourna guère à leur honneur, ni à celui de l’Ordinaire.

« Vous parlez du siège de Leith, » dit un grand homme décharné, et dont les épaisses moustaches relevées de chaque côté à la militaire, le large ceinturon de cuir, la longue rapière, et d’autres signes, indiquaient cette honorable profession qui fait vivre en tuant les autres ; « vous parlez du siège de Leith, je connais cette place… une espèce de bicoque avec un mur tout uni, un rempart et un pigeonnier ou deux, en forme de tour, à chaque angle… Mille bombes ! si un capitaine de nos jours avait été, non pas vingt-quatre jours, mais seulement vingt-quatre heures, sans emporter la place d’assaut et tous ses poulaillers les uns après les autres, il n’aurait pas mérité plus de grâce que le grand prévôt n’en fait quand il a serré son nœud coulant. — Monsieur, dit le chevalier, je n’étais pas au siège du petit Leith, et ne sais pas ce que vous entendez par ses poulaillers ; mais tout ce que je dirai, c’est que monseigneur de Strozzi savait faire la guerre, et que c’était un grand capitaine, plus grand peut-être que ceux des capitaines de l’Angleterre qui parlent le plus haut… Tenez, monsieur, car c’est à vous !… — Oh ! monsieur, répondit l’homme d’épée, nous savons que le Français se battra bien