Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/192

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lui. — Trêve à vos scrupules de conscience, s’écria lord Dalgarno, et foin de ces proscrits du Parnasse ! Comment donc ! ceux-ci ne sont que la lie de ce fameux banquet de harengs salés et de vin du Rhin ; qui a coûté à Londres tant de ses principaux faiseurs d’esprit et de ses poètes de la folie… Qu’auriez-vous donc dit si vous aviez vu Nash et Green, si vous vous intéressez tant aux pauvres bouffons avec qui nous avons soupé hier ? Que leur manque-t-il ? n’ont-ils pas bien bu et bien mangé ? Après un tel repas et de telles libations, ils auront dormi assez long-temps pour pouvoir se dispenser de songer à manger avant le soir ; alors, s’ils sont adroits, ils trouveront des patrons ou des comédiens qui leur donneront à souper. Quant à leurs autres besoins, ils ne manqueront jamais d’eau froide tant que la source de la Nouvelle-Rivière[1] ne tarira point, et les pourpoints de ces enfants du Parnasse durent éternellement. — Virgile et Horace eurent de plus utiles protecteurs, dit Nigel. — Sans doute, répondit son compagnon ; mais ces gens-là ne sont ni Virgile ni Horace. D’ailleurs nous avons des génies d’un autre ordre, que je vous présenterai à la première occasion. Notre Cygne de l’Avon[2] a fait entendre ses derniers chants ; mais nous avons le vigoureux Ben[3] ; et en fait de génie et d’érudition, il ne le cède à aucun auteur qui ait jamais chaussé le cothurne et le brodequin. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas de lui que je veux vous parler en ce moment ; je venais vous prier par amitié de venir avec moi jusqu’à Richmond, où deux ou trois des galants que vous avez vus hier ont l’intention de régaler de musique et de syllabub[4] un cercle de beautés aux yeux brillants, parmi lesquelles il en est, je vous assure, qui sont dignes de détacher un astrologue du culte de Galaxie[5]. Ma sœur, à qui je désire vous présenter, est à la tête de cette essaim de belles. Elle ne manque pas d’admirateurs à la cour, et quoiqu’il ne me convienne pas de répéter ces louanges, j’ajouterai qu’elle est regardée comme une des beautés régnantes. »

Il n’y avait pas moyen de refuser une invitation, adressée à un homme qui naguère encore se comptait pour si peu de chose, au nom d’une des beautés les plus distinguées de la cour. Lord

  1. Rivière formée de plusieurs sources voisines de Londres, où elle a été amenée par un orfèvre de cette métropole, sous le régne de Jacques Ier. a. m.
  2. Shakspeare. a. m.
  3. Ben Johnson. a. m.
  4. Boisson formée de lait, de vin, de sucre et d’épices. a. m.
  5. La voie lactée.