Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/221

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personne… et je la quitterai encore moins comme un homme indigne d’être vu dans les endroits publics… J’espère que le prince et sa suite reviendront de ce côté, comme vous le dites, car je veux les attendre ici, sir Mungo, et les braver. — Les braver ! » s’écria sir Mungo avec la plus extrême surprise… « braver le prince de Galles, l’héritier présomptif du royaume… Par mon âme ! vous le braverez tout seul alors. »

En conséquence, il allait quitter Nigel quand un mouvement d’intérêt et de bienveillance, auquel il n’était guère sujet, sembla tout à coup adoucir son cynisme naturel.

« Du diable si je ne suis pas un vieux fou ! se dit sir Mungo. Faut-il que j’aille m’intéresser, moi qui ai si peu d’obligations à la fortune et à mes semblables, faut-il, dis-je, que j’aille m’intéresser à ce morveux, qui, je le gagerais, est aussi entêté qu’un pourceau possédé du diable ; car c’est le défaut de sa famille ?… Et cependant, dussent-ils être perdus, il faut que je lui donne quelques bons avis… Mon jeune lord, » reprit-il en se retournant et s’adressant à Nigel… « écoutez-moi bien : ceci n’est pas un jeu d’enfant… La manière dont le prince m’a parlé à votre égard, et que je vous ai rapportée, était équivalente à un ordre de ne pas reparaître en sa présence ; c’est pourquoi suivez le conseil d’un vieillard qui vous veut du bien, et peut-être plus qu’il n’en doit souhaiter au genre humain en général… Retirez-vous comme un bon garçon, et laissez-les passer… Rentrez chez vous ; ne remettez plus le pied dans une taverne… ne touchez plus un dé… Arrangez-vous pour vos affaires avec quelqu’un qui soit mieux vu que vous à la cour, et vous en aurez une belle somme d’argent toute ronde qui vous conduira en Allemagne ou ailleurs, pour y pousser votre fortune. Ce fut un soldat heureux qui fut le fondateur de votre famille il y a quatre ou cinq cents ans, et si vous avez de la bravoure et du bonheur, vous pouvez un jour parvenir à la relever ; mais, croyez-moi, vous ne réussirez jamais dans cette cour. »

Lorsque sir Mungo eut terminé cette exhortation, où il y avait plus d’intérêt véritable pour la situation de Nigel qu’on ne lui en avait jamais entendu exprimer à personne, lord Glenvarloch lui répondit : « Je vous suis obligé, sir Mungo ; vous avez parlé, je crois, avec sincérité, et je vous en remercie… Mais, en échange de vos bons avis, je vous conjure instamment de me quitter. J’aperçois le prince et sa suite qui reviennent, dans cette allée, et