Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/225

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Glenvarloch, dit sir Ewes Haldimund ; j’ai souvent entendu moi-même lord Dalgarno défendre votre réputation, et exprimer le regret que votre goût exclusif pour les plaisirs de la vie de Londres vous empêchât de faire votre cour régulièrement au roi et au prince. — Tandis que c’était lui-même, s’écria lord Gienvarloch, qui me dissuadait de me présenter à la cour ! — Je couperai court à cette affaire, » dit lord Dalgarno avec une froideur hautaine. « Vous paraissez vous être imaginé, milord, que vous et moi devions être Oreste et Pylade, une seconde édition de Pythias et Damon, ou tout au moins de Thésée et Pirithoüs… vous vous êtes trompé, et avez donné le nom d’amitié à ce qui, de mon côté, n’était que de la complaisance et de la compassion pour un compatriote ignorant et novice, dont mon père, d’ailleurs, m’avait donné la charge embarrassante. Votre réputation, milord, n’est l’ouvrage de personne autre que vous… Je vous ai mené dans des endroits où, comme dans tous ceux de ce genre, on rencontre bonne et mauvaise compagnie ; par habitude ou par goût, vous avez préféré la mauvaise, votre sainte horreur à la vue des dés et des cartes a dégénéré en une résolution de jouer exclusivement avec ceux que vous étiez sûr de gagner et autant que vous étiez en veine… Personne ne peut se conduire long-temps de cette manière, et conserver intact le nom d’un gentilhomme… Telle est la réputation que vous vous êtes faite, et je ne vois pas quel droit vous avez de vous fâcher si je ne contredis pas ce que vous savez être la vérité. Maintenant, laissez-nous passer, milord, et si vous désirez une autre explication, choisissez un moment et un lieu plus convenables. — Aucun ne peut valoir le moment actuel, » dit lord Glenvarloch, dont le ressentiment avait été exalté au dernier point par la manière froide et insultante dont lord Dalgarno s’était justifié… « aucun lieu ne peut mieux convenir que celui où nous sommes… Ceux de ma maison ont constamment vengé leurs injures sur l’heure et sur la place où elles leur furent faites, fût-ce au pied du trône. Lord Dalgarno, vous êtes un scélérat ; en garde, et défendez-vous ! » et en parlant ainsi, il tira lui-même son épée…

« Êtes-vous fou ? » dit lord Dalgarno se reculant, « nous sommes dans l’enceinte de la cour. — Tant mieux ! répondit lord Glenvarloch, je la purgerai d’un calomniateur et d’un lâche. » Il s’avança en même temps sur lord Dalgarno, et le frappa du plat de son épée.