Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/229

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acquérir cette science : il se contentait de ce que pouvait lui en communiquer la savante atmosphère au milieu de laquelle il vivait. C’était d’ailleurs un des beaux esprits du Temple… il lisait Ovide et Martial, visait à la repartie et au calembour, quoiqu’il les allât chercher un peu loin ; dansait, faisait des armes, jouait à la paume, et exécutait sur le violon et sur le cor un certain nombre d’airs, à la grande tribulation du vieux conseiller Baratter, qui habitait l’appartement situé au-dessous de celui de l’étudiant. Tel était Reginald Lowestoffe, jeune homme vif, adroit, et ayant une connaissance parfaite de la ville et de tous ses recoins. Il s’approcha donc, comme nous l’avons dit, de lord Glenvarloch, le salua par son nom et par son titre, et demanda si l’intention de Sa Seigneurie était de dîner chez le chevalier ce jour-là, observant qu’il était midi et que le coq de bruyère serait sur la table avant qu’il pût être rendu à l’Ordinaire.

« Je n’y vais pas aujourd’hui, répondit lord Glenvarloch. — De quel côté vous dirigez-vous, milord ? » demanda le jeune étudiant, qui peut-être n’était pas fâché de se faire voir dans la rue en la compagnie d’un lord, quoique ce ne fût qu’un lord écossais.

« Je… je… » répondit Nigel, qui était bien aise de profiter des connaissances locales du jeune homme, et qui cependant, honteux d’avouer son intention de se réfugier dans un endroit aussi peu honorable, avait de la répugnance à expliquer la situation où il se trouvait ; « je… je… serais curieux de voir White-Friars… — Quoi ! Votre Seigneurie a envie de connaître l’Alsace ! dit Lowestoffe. Je suis votre homme milord ; vous ne pouvez trouver un meilleur guide que moi aux régions infernales… Je vous promets qu’on y trouve bonas robas, de bonnes choses, de bon vin surtout et de bons compagnons pour le boire, quoique se ressentant un peu des rigueurs de la fortune… Cependant, que Votre Seigneurie me le pardonne, vous êtes le dernier des gentilshommes de ma connaissance à qui j’eusse proposé un tel voyage de découverte. — Je vous suis obligé, maître Lowestoffe, de la bonne opinion qu’annonce une observation pareille ; mais ma position actuelle me fait en quelque sorte une nécessité de passer un jour ou deux dans ce sanctuaire. — Vraiment ! » dit Lowestoffe avec l’air de la plus grande surprise. « Je croyais que Votre Seigneurie avait eu soin de ne jamais s’exposer à faire des pertes considérables… Je vous demande pardon, mais si les dés vous ont été contraires, j’entends assez la loi pour savoir que la