Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/278

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nuâmes notre route. En chemin, mon habit de religieuse, qui avait été ramassé à la hâte, fut jeté dans un lac que nous côtoyâmes quelque temps. Les deux cavaliers étaient devant, ma suivante et moi nous venions ensuite, et les deux domestiques terminaient la cavalcade. Pendant que nous voyagions, Monna Paula me supplia à plusieurs reprises de garder le silence, notre vie en dépendait. Je me résignai facilement à jouer un rôle passif, car cette première effervescence de joie qui avait accompagné ma délivrance et ma réunion à mon époux s’étant calmée, je me sentais étourdie du mouvement rapide de la marche, et j’avais besoin de tous mes efforts pour me tenir en selle, quand tout à coup à travers l’obscurité nous aperçûmes une vive lumière devant nous.

« Mon mari arrêta son cheval et siffla doucement à deux fois différentes, signal auquel on répondit dans le lointain. Notre petite troupe s’arrêta sous les branches d’un large liège, et mon mari, s’approchant de moi, me dit d’une voix dont le ton embarrassé me parut alors être causé par son inquiétude pour ma sûreté : « Il faut que nous nous séparions ici. Ceux à qui je vais vous confier sont des contrebandiers qui ne vous connaissent que pour une Anglaise, et qui, pour une récompense considérable, ont entrepris de vous escorter à travers les défilés des Pyrénées jusqu’à Saint-Jean-de-Luz. — Et ne venez-vous pas avec nous ? » m’écriai-je avec véhémence, quoiqu’à voix basse.

« C’est impossible, me dit-il ; cela nous perdrait tous… Faites attention à parler anglais devant ces gens et à ne pas laisser apercevoir que vous entendez l’espagnol… Votre vie en dépend… car, quoiqu’ils vivent en opposition avec les lois de l’Espagne, ils trembleraient à la seule idée d’outrager l’Église… Je les vois venir… Adieu… adieu… »

« Ces derniers mots furent prononcés à la hâte… J’essayai de le retenir encore un moment en saisissant son manteau de ma faible main.

« Vous me rejoindrez, j’espère, à Saint-Jean-de-Luz ? — Oui, oui, » répondit-il à la hâte ; « vous trouverez votre protecteur à Saint-Jean-de-Luz.

« Il dégagea son manteau de mes mains en parlant ainsi, et disparut dans l’obscurité… Son compagnon s’approcha, me baisa la main, ce à quoi je fis à peine attention dans l’angoisse du moment, et suivit mon mari accompagné d’un des deux domestiques.