Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/325

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voilà, et je n’y toucherai pas… Si vous êtes assez dupe pour vouloir payer plus qu’il n’est raisonnable, mon père ne sera pas assez fripon pour le recevoir. — Mais votre père, mademoiselle, dit Nigel, votre père m’a dit… — Oh ! mon père, mon père, interrompit-elle. Il se chargeait de ces affaires-là quand il en était capable ; mais maintenant c’est moi que cela regarde, et il se peut que nous finissions par nous en trouver mieux tous les deux. »

En jetant les yeux sur la table, elle remarqua les armes qui y étaient posées.

« Vous avez des armes, dit-elle ; savez-vous vous en servir ? — Je le dois du moins, mademoiselle, car c’est mon métier. — Vous êtes donc soldat ? — Je ne le suis que comme tout gentilhomme de mon pays, qui est soldat de droit. — Voilà donc votre point d’honneur ! couper la gorge aux pauvres gens… une belle occupation pour des gentilshommes, eux qui devraient les protéger ! — Je ne fais pas le métier de coupe-gorge, mademoiselle, mais je porte des armes pour ma défense, et celle de mon pays, s’il en a besoin. — Oui, c’est bien parlé ; mais on dit que vous êtes aussi prompt que d’autres à vous faire des querelles lorsque ni votre sûreté ni celle de votre pays ne sont en danger ; et s’il n’en avait pas été ainsi, vous ne seriez pas aujourd’hui dans le sanctuaire. — Mademoiselle, je chercherais vainement à vous faire comprendre que l’honneur d’un homme, qui doit lui être plus cher que la vie, peut l’obliger parfois à hasarder ses jours ou ceux des autres pour des motifs qui vous paraîtraient peut-être frivoles. — La loi de Dieu ne dit rien de cela, répondit la vieille fille. J’y ai lu seulement : « Tu ne tueras point. » Mais je n’ai ni le temps ni l’envie de vous faire des sermons… Vous ne manquerez pas d’occasions de vous battre ici, si cela vous amuse ; et pourvu encore qu’elles ne viennent pas vous chercher au moment où vous vous y attendrez le moins… Adieu pour le moment. La femme de ménage fera vos commissions pour vos repas. »

Elle quitta la chambre au moment où Nigel, piqué du ton de supériorité et de censure qu’elle avait pris avec lui, était sur le point d’entamer une ridicule dispute avec la fille d’un vieux prêteur sur gages, au sujet du point d’honneur. Il sourit en lui-même de la sottise où l’amour-propre et le désir de se justifier allaient l’entraîner.

Lord Glenvarloch s’adressa ensuite à la femme de ménage, la vieille Deborah, par l’entremise de laquelle il fut pourvu d’un