Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/330

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quelque entreprise sinistre, Nigel s’élança hors de son siège, saisit son épée, la tira, et l’appuyant sur la poitrine du vieillard, lui demanda ce qu’il faisait dans son appartement à une telle heure. Traphois ne montra ni crainte ni surprise, et ne répondit que par quelques expressions obscures, dont le sens paraissait être qu’il renoncerait plutôt à la vie qu’à son bien ; lord Glenvarloch, fort embarrassé, ne savait que penser des motifs d’une semblable visite, et moins encore comment s’en débarrasser. Pendant qu’il essayait encore une fois de l’intimider, il fut surpris par une nouvelle apparition qui sortait du même côté de la tapisserie… c’était la fille de Traphois, portant une lampe à la main. Il fallait qu’elle fût aussi insensible au danger que son père ; car, s’approchant de Nigel, elle détourna brusquement son épée nue, et essaya même de la lui ôter des mains.

« Fi ! s’écria-t-elle, menacer de votre épée un homme qui a plus de quatre-vingts ans !… Est-ce là l’honneur d’un gentilhomme écossais ?… Donnez-la-moi, vous dis-je, pour en faire un fuseau. — Reculez-vous, dit Nigel ; je ne veux pas faire de mal à votre père, mais je veux savoir qui l’a porté à rôder toute la journée, et même à cette heure de nuit, autour de mes armes. — Vos armes !… Hélas ! jeune homme, toutes les armes de la tour de Londres ont peu de valeur pour lui en comparaison de cette misérable pièce d’or que j’ai laissée ce matin sur la table d’un jeune prodigue, trop peu soigneux pour remettre dans sa bourse ce qui lui appartient. »

En parlant ainsi, elle lui montra la pièce d’or qui, étant restée sur la table, avait attiré le vieux Traphois de ce côté : même dans le silence de la nuit, elle s’était représentée avec tant de force à son imagination, qu’il avait fait usage d’un passage particulier, dont on ne se servait plus depuis long-temps, pour entrer dans l’appartement de son hôte, afin de s’emparer de ce trésor pendant son sommeil. Il s’écria alors du ton le plus haut que put lui permettre sa voix grêle et faible :

« Elle est à moi ! elle est à moi !… Il me l’a donnée en rétribution ; je mourrai plutôt que d’abandonner mon bien. — Elle lui appartient en effet, mademoiselle, dit Nigel ; je vous conjure donc de la lui rendre, que je puisse enfin être tranquille dans mon appartement. — Je vous en tiendrai compte alors, » répliqua la vieille fille, donnant avec répugnance à son père la pièce d’or, qu’il saisit de ses doigts desséchés avec la même avidité que les