Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/335

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homme… Allez, et songez à votre sûreté, puisque tel est votre dessein : abandonnez-moi à mon sort. »

Sans s’arrêter à de vaines explications, Nigel se hâta de gagner sa chambre par le passage secret, y prit les munitions dont il avait besoin, et revint avec la même célérité, s’étonnant lui-même d’avoir su se retrouver, dans un moment d’agitation si vive, au milieu d’un corridor tortueux et sombre qu’il n’avait traversé qu’une fois.

À son retour, il trouva la malheureuse femme debout comme une statue, à côté du corps de son père, qu’elle avait étendu sur le plancher, et dont elle avait couvert la figure d’un pan de sa robe de chambre.

Elle ne témoigna ni surprise ni plaisir de revoir Nigel, mais elle lui dit d’un air calme : « C’est assez gémir… ma douleur, du moins celle qui se répand au dehors, a eu son cours… Mais j’aurai justice, et le vil meurtrier d’un malheureux vieillard sans défense, qui, d’après le cours de la nature, n’avait peut-être pas un an à vivre, ne souillera pas long-temps la terre. Étranger, que le ciel a envoyé pour hâter la vengeance due à ce crime, allez chez Hildebrod : on y passe toutes les nuits dans la débauche… dites-lui de venir ici ; son devoir l’y oblige, et il n’osera, ne pourra me refuser un secours que j’ai les moyens de payer : il le sait de reste. Pourquoi tardez-vous ?… Partez sur-le-champ. — J’irais, dit Nigel ; mais je crains de vous laisser seule ; le scélérat peut revenir, et… — C’est vrai… très-vrai… il peut revenir ; et quoiqu’il m’importe peu qu’il m’arrache la vie, il peut s’emparer de ce qui l’a attiré ici. Gardez cette clef et cette pièce d’or, toutes deux sont importantes. Défendez votre vie si elle est attaquée ; et, si vous tuez le scélérat, je vous enrichirai… Je vais moi-même appeler du secours. »

Nigel aurait voulu lui faire quelques observations, mais elle était déjà partie ; et un moment après il lui entendit fermer la porte de la maison derrière elle. Il eut un moment la pensée de la suivre ; mais en se rappelant que la taverne d’Hildebrod était tout près de la maison de Traphois, il conclut qu’elle courait peu de danger pour y arriver, et qu’il ferait mieux, pendant ce temps, de faire le guet comme elle le lui avait recommandé.

Ce n’était pas une situation fort agréable pour un homme inaccoutumé à de pareilles scènes, que de rester dans une chambre avec deux corps si récemment animés par la vie, et qui tous deux,