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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/37

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La physionomie de Jin Vin (c’était le nom qu’on lui donnait familièrement) répondait au portrait qu’on a fait de son caractère. Sa tête, sur laquelle son bonnet plat d’apprenti était généralement posé de côté, était entièrement couverte de cheveux épais et d’un noir de corbeau, qui, naturellement frisés, seraient devenus très-longs, si l’humble coutume de son état et la stricte recommandation de son maître ne l’eussent forcé à les couper très-courts : ce n’était point toutefois sans répugnance, car il regardait avec envie les boucles flottantes que les courtisans et les étudiants en droit, qui appartenaient à l’aristocratie, commençaient à se permettre comme une marque distinctive de supériorité et de noblesse. Les yeux de Vincent étaient un peu enfoncés dans sa tête, d’un noir très-vif, pleins de feu, de malice et d’intelligence, et avaient une expression railleuse, même quand il prononçait les paroles consacrées à son commerce, comme s’il ridiculisait ceux qui étaient disposés à donner quelque attention à ses lieux communs. Il avait cependant assez d’adresse pour y mêler quelques petits traits de son invention, qui donnaient une tournure bouffonne même au langage routinier de la boutique ; et la promptitude de ses manières, son empressement et son désir d’obliger, son intelligence et la politesse qu’il savait montrer là où il croyait la politesse nécessaire : toutes ces qualités avaient fait de lui le favori des pratiques de son maître.

Ses traits étaient loin d’être réguliers, car son nez était aplati, sa bouche des plus grandes, et son teint tirait un peu plus sur le brun qu’on ne le jugeait alors compatible avec la beauté, même dans un homme. Mais aussi, quoiqu’il eût toujours respiré l’air d’une ville entourée de murailles, ses joues avaient le mâle incarnat de la force et de la santé ; son nez retroussé donnait un air d’esprit et d’espièglerie à tout ce qu’il disait, et secondait bien l’expression maligne de ses yeux : sa bouche enfin, quoique grande, était garnie de lèvres bien formées et bien colorées, qui, lorsqu’il riait, découvraient une rangée de dents fortes et régulières, et blanches comme de l’ivoire. Tel était le moins jeune des apprentis de David Ramsay, fabricant de montres et d’horloges de Sa Majesté Jacques Ier.

Le compagnon de Jenkin était le dernier des deux apprentis, bien qu’il pût être son aîné de deux ans. Il avait d’ailleurs un caractère plus tranquille et plus modéré. Francis Tunstall était issu d’une ancienne et orgueilleuse famille qui réclamait le titre