Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/380

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qu’il n’avait besoin de personne pour lui tenir compagnie, et préférait être seul ; mais le geôlier lui donna à entendre, avec sa politesse bourrue, que c’était au lieutenant de la Tour à décider comment ses prisonniers devaient être logés ; que d’ailleurs cet enfant ne le dérangerait guère, car c’était un jeune marmot qui valait tout au plus la peine qu’on tirât une clef sur lui. « Ici, Gilles, dit-il, amenez l’enfant. » Un autre porte-clefs fit entrer dans la chambre le jeune garçon, et les deux geôliers se retirant, on entendit le bruit des verrous et des chaînes, entraves redoutables à la liberté, qui retombaient sur nos deux prisonniers. Le jeune garçon était vêtu d’un habillement de drap gris très-fin, relevé par un galon d’argent. Il portait un manteau couleur de peau de buffle, garni pareillement ; son bonnet de velours noir, qui avait la forme d’un bonnet de chasse, était enfoncé sur ses yeux, et les longues boucles de ses cheveux, qui tombaient en profusion sur son visage, achevaient de cacher ses traits. Il restait attaché à l’endroit même où l’avait laissé le geôlier, à deux pas de la porte de la chambre, les yeux fixés sur la terre, et tremblant de tous ses membres de honte et de terreur. Nigel se serait fort bien passé de cette compagnie : mais il n’était pas dans son caractère de voir un être souffrant, qu’il le fût par les peines de l’âme ou du corps, sans chercher à lui procurer soulagement.

« Courage, dit-il, mon bel enfant ; il paraît que nous sommes destinés à être camarades pendant quelque temps… J’espère du moins que votre captivité sera courte, car vous êtes trop jeune pour avoir pu rien faire qui mérite une longue prison. Allons, allons, ne vous laissez pas abattre… Votre main est froide et tremblante, et cependant l’air est chaud aujourd’hui… Mais c’est sans doute l’humidité de cette chambre obscure : approchez-vous du feu… Eh quoi ! vous pleurez à chaudes larmes, mon petit homme ? Allons, je vous en prie, ne faites pas l’enfant ; quoique vous n’ayez pas encore de barbe à déshonorer par vos pleurs, cependant vous ne devriez pas verser des larmes comme une femme ; vous n’êtes sans doute renfermé que pour quelque tour d’écolier, et vous pouvez bien passer un jour ici sans vous désespérer. »

Le jeune garçon se laissa conduire près du feu, auprès duquel Nigel le fit asseoir ; mais, après être resté long-temps dans l’attitude qu’il avait prise en s’asseyant, il se mit tout à coup à se tordre les mains avec l’air de la douleur la plus amère ; puis, se