Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/426

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je lui apportai le renfort nécessaire, que l’homme qui avançait cette somme n’avait pas une bonne réputation, et sa réponse royale fut, en flairant l’or : « Non olet, il ne sent pas les moyens par lesquels il a été obtenu. — Tout cela est bel et bon, dit le roi ; mais à quoi servent tant de paroles ? Donnant mes joyaux en gage à un tel individu, n’auriez-vous pas dû prendre vos précautions pour que nous pussions les retirer ? Et devons-nous souffrir la perte de nos bijoux à cause de votre négligence, outre que nous allons nous trouver exposé à la censure de nos sujets et des ambassadeurs étrangers ? — Mon maître et mon souverain, répondit Heriot, Dieu m’est témoin que si, en me chargeant du blâme et de la honte de cette affaire, je pouvais l’épargner à Votre Majesté, mon devoir me porterait à les supporter en serviteur reconnaissant de vos nombreux bienfaits. Mais, quand Votre Majesté aura réfléchi à la mort violente de cet homme, à la disparition de sa fille et de ses trésors, je me flatte qu’elle se rappellera combien de fois je l’avais avertie de la possibilité d’un tel cas, en priant Votre Majesté de ne pas me presser de traiter cette affaire avec lui. — Mais vous ne me procurâtes pas d’autres moyens, Geordie, dit le roi ; vous ne me procurâtes pas d’autres moyens. J’étais comme un homme abandonné : pouvais-je faire autrement que de prendre le premier argent qui m’était offert, de même qu’un homme qui se noie saisit la première branche de saule qui se présente ? Et maintenant, pourquoi ne m’apportez-vous pas ces bijoux ? ils sont certainement dans quelque coin ; si vous vouliez bien les chercher… — N’en déplaise à votre Majesté, les recherches les plus exactes ont été faites, répondit le bijoutier ; on les a fait crier partout, et il est impossible de les retrouver. — Difficile, vous voulez dire, Geordie ? et non impossible, reprit le roi ; car ce qui est impossible l’est naturellement, comme exempli gratiâ, de faire que deux soient trois, ou moralement, de changer la vérité en mensonge. Mais ce qui n’est que difficile peut finir par se faire à l’aide de la sagesse et de la patience… par exemple, Tin-Tin Geordie, regardez-moi cela ! » En parlant ainsi il découvrit aux yeux étonnés de l’orfèvre le trésor retrouvé, et s’écria d’un air de triomphe : « Que dites-vous de cela, Geordie ? Par mon sceptre et ma couronne ! il ouvre de grands yeux comme s’il prenait son prince légitime pour un sorcier, nous qui sommes le malleus male ficorum[1], l’instrument qui réduit en pou-

  1. Le marteau des faiseurs de maléfices. a. m.