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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/59

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juste autant qu’il fallait pour montrer une cheville bien tournée et un petit pied étroitement chaussé d’un soulier bien ciré. Elle devait naturellement s’intéresser à un joli garçon, d’une humeur agréable, et s’accommodant de bonne grâce du logement que la maison pouvait offrir. En outre elle remarquait dans son jeune hôte des manières bien supérieures à celles des patrons ou capitaines de vaisseaux marchands qui occupaient habituellement ses appartements. En effet, au départ de ceux-ci elle était sûre de trouver ses planchers, dont elle prenait tant de soin, salis de restes de tabac (car en dépit des efforts du roi Jacques, cette plante narcotique commençait à être en usage), et ses plus beaux rideaux imprégnés de l’odeur du genièvre et autres liqueurs fortes, ce qui lui faisait dire avec raison qu’il y avait déjà bien assez des exhalaisons qui s’échappaient du magasin et de la boutique sans y joindre celles-là.

Mais il n’en était pas de même de M. Olifaunt : toutes ses habitudes étaient régulières, et respiraient la propreté la plus soigneuse ; ses manières, quoique ouvertes et simples, annonçaient tellement le courtisan et le gentilhomme, qu’elles formaient le plus frappant contraste avec le langage bruyant, les plaisanteries grossières et la brusque impatience des marins. Dame Nelly avait aussi remarqué que son hôte était mélancolique, malgré tous les efforts qu’il faisait pour paraître tranquille et serein ; enfin, elle prenait à lui, presque sans s’en douter, ou du moins sans en soupçonner l’étendue, un degré d’intérêt dont un galant moins scrupuleux aurait pu être tenté de profiter aux dépens du bonhomme Christie, âgé au moins d’une vingtaine d’années de plus que sa femme. Olifaunt, toutefois, avait non seulement autre chose en tête, mais il aurait regardé une telle intrigue, si l’idée lui en fût venue, comme une indigne violation des lois de l’hospitalité ; car feu son père l’avait élevé dans les principes les plus sévères de la religion nationale, et avait formé ses mœurs d’après les lois de l’honneur le plus scrupuleux. Le jeune lord n’avait pas échappé à la faiblesse dominante dans son pays, à ce sentiment d’orgueil attaché à une haute naissance, jointe à un penchant à estimer le mérite et l’importance des hommes d’après le nombre et l’illustration de leurs aïeux. Mais il savait se rendre maître de cet orgueil de famille : son bon sens et sa politesse naturelle lui avaient appris à le voiler presque entièrement.

Tel que nous venons de le décrire, Nigel Olifaunt, ou plutôt