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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/72

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blais à mon père, monsieur, et je suis bien aise de voir quelqu’un qui respecte sa mémoire ; mais les affaires qui m’ont appelé dans cette ville sont d’une nature particulière, et occupent tout mon temps. — Je vous entends, milord, dit maître George, et je ne serai pas assez importun pour vous arrêter long-temps et vous empêcher d’aller vous occuper de vos affaires ou de vous joindre à une société plus agréable. Mon but sera presque rempli quand je vous aurai dit que mon nom est George Heriot ; que j’ai été chaudement protégé par votre excellent père, qui le premier, il y a vingt ans, me recommanda à la famille royale d’Écosse et m’en fit employer ; ayant appris, par un de vos serviteurs, que Votre Seigneurie était dans cette ville pour y suivre quelque affaire importante, j’ai cru de mon devoir et me suis fait un plaisir de me présenter devant le fils de mon honoré protecteur ; et comme je suis assez connu, tant à la cour qu’à la ville, je puis lui offrir, dans la poursuite de ses affaires, tous les secours que mon crédit et mon expérience peuvent me procurer. — Je ne doute ni de l’un ni de l’autre, maître Heriot, dit lord Nigel, et je vous remercie de tout mon cœur de la bonne volonté que vous mettez ainsi à la disposition d’un étranger ; mais l’affaire que j’avais à la cour est terminée, et mon intention est de quitter Londres et même le pays, pour passer à l’étranger et y prendre du service. Je dois ajouter que la précipitation de mon départ me permet à peine de disposer d’un instant. »

Maître Heriot n’eut pas l’air de comprendre, mais il resta fixé sur sa chaise d’un air embarrassé, toutefois et comme un homme qui, ayant quelque chose à dire, ne sait de quelle manière la présenter. À la fin, il reprit avec un sourire de doute : « Vous êtes bien heureux, milord, d’avoir sitôt terminé vos affaires à la cour. Votre hôtesse, qui cause volontiers, m’a appris que vous n’étiez que depuis quinze jours dans cette ville… Il s’écoule ordinairement des mois et des années avant qu’un solliciteur prenne congé de la cour. — Mon affaire, » dit lord Nigel avec un laconisme destiné à couper court à toute discussion, « a été promptement expédiée. »

Maître Heriot n’en continuait pas moins à rester assis, et on voyait sur tous ses traits une expression de franchise et de bonne humeur, qui, jointe à son air respectable, mettait le jeune lord dans l’impossibilité de lui faire entendre plus clairement qu’il désirait être seul.