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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/121

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d’importance qu’on n’en attachait réellement à sa personne ou à ses sermons, il regardait l’honnête chevalier comme son ennemi mortel et acharné ; et il pensa qu’il servirait mieux la cause de l’Eglise en s’absentant du Derbyshire.

« Peut-être, disait-il, permettra-t-on à des pasteurs moins connus, quoique plus dignes de ce nom, de rassembler les débris du troupeau dispersé, dans quelque caverne ou dans quelque solitude ignorée, et ce qu’ils grappilleront dans les vignes d’Éphraïm rapportera plus que la vendange de celles d’Abiézer. Mais moi, qui ai si souvent porté la bannière contre les puissants, moi dont la langue semblable à celle du watchman qui veille sur la terre, a rendu témoignage soir et matin contre le papisme, la prélature et le tyran du Pic, si je restais ici j’attirerais sur vous l’épée sanguinaire de la vengeance, qui viendrait égorger le berger et disperser le troupeau. Pour m’assaillir, ces égorgeurs ont osé venir jusque sur le terrain qu’eux-mêmes appellent consacré, et vous-mêmes avez vu briser le crâne du juste qui défendait ma cause. Je chausserai donc mes sandales, je ceindrai mes reins, et j’irai chercher un pays lointain pour y remplir mon devoir, quelque rigoureux qu’il soit, et pour y rendre témoignage à la vérité, soit dans la chaire, soit sur le bûcher. »

Tels furent les sentiments que Solsgrace exprima à ses amis découragés, qu’il développa plus longuement encore en causant avec le major Bridgenorth. Il ne manqua pas, dans sa conversation, de lui reprocher, avec le zèle de l’amitié, la précipitation avec laquelle il avait tendu la main à la femme amalécite ; ajoutant qu’il s’était rendu par là son serviteur et son esclave pour un temps, de même que Samson trahi par Dalila, et qu’il aurait pu rester plus long-temps dans la maison de Dagon, si le ciel ne lui eût tout à coup ouvert un chemin pour se tirer du piège. C’était sans doute aussi parce qu’il avait pris part à des réjouissances sur les hauts lieux consacrés à Baal, que lui, le champion de la vérité, avait été renversé et couvert de honte par l’ennemi, en présence même des siens.

Ces réprimandes parurent offenser tant soit peu le major, qui n’aimait guère mieux qu’un autre à entendre parler de ses mésaventures, et à voir qu’on les attribuât à sa propre faute, — aussi le digne ministre commença-t-il à s’accuser lui-même de la complaisance criminelle qu’il avait montrée dans cette affaire : il ne doutait pas que son expulsion du presbytère, la destruction de ses