Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/171

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moi-même sur le lieu que mon père habite. Que de fois je l’ai supplié ardemment de me laisser partager sa solitude, ou d’être la compagne de sa vie errante ! Mais ses courtes et rares visites sont les seules occasions où il me soit permis de jouir de sa société ; et pourtant, quelque faibles que puissent être mes moyens de consolation, je pourrais adoucir, j’en suis sûre, la tristesse qui le poursuit et l’oppresse. — Oui, nous pourrions le consoler ensemble, dit Peveril. Oh ! combien je serais heureux de vous aider dans une si douce tâche ! Par nous tous les souvenirs pénibles s’effaceraient, toutes les vieilles querelles s’oublieraient, l’amitié du temps passé renaîtrait ! Les préjugés de mon père sont ceux d’un Anglais, violent, il est vrai, mais susceptible d’être vaincu par la raison. Dites-moi donc où est le major Bridgenorth, et laissez-moi le soin du reste : ou bien encore apprenez-moi par quels moyens vous lui faites parvenir vos lettres, et j’essaierai sans retard de découvrir le lieu de sa résidence. — Ne le tentez pas, je vous en conjure, dit Alice ; il n’est déjà que trop accablé de chagrins : que penserait-il s’il apprenait que je suis capable d’encourager une liaison qui ne ferait, sans doute, qu’ajouter à ses peines ? D’ailleurs, quand même je voudrais, il me serait impossible de vous dire où il est maintenant. De temps en temps mes lettres lui parviennent par l’intermédiaire de ma tante Christian, mais son adresse, je ne la connais point. — Eh bien ! de par le ciel ! reprit Julien, j’épierai son arrivée dans cette île et dans cette maison ; et, avant qu’il t’ait serrée entre ses bras, Alice, il aura répondu à ma demande. — Faites donc cette demande à l’instant même, » dit une voix partie de derrière la porte, qui s’ouvrit en même temps avec lenteur ; « faites cette demande à l’instant, car vous voyez Ralph Bridgenorth ! »

À ces mots, le major entra dans l’appartement avec sa démarche lente et mesurée. Il ôta le chapeau rabattu et à haute forme qui lui ombrageait le front, et s’avançant au milieu de la salle, il jeta alternativement un regard pénétrant sur sa fille et sur Julien Peveril.

« Mon père ! » s’écria Alice, surprise et effrayée de son apparition subite en un pareil moment, « mon père, je ne suis point coupable. — Nous parlerons de cela tout à l’heure, Alice, dit Bridgenorth ; en attendant, retirez-vous dans votre appartement. Mon entretien avec ce jeune homme ne saurait avoir lieu en votre présence. — En vérité, mon père, en vérité, » dit Alice alar-