Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/19

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L’auteur. Une forte tentation, sans doute ; mais c’en est une puissante que d’être faufilé[1] avec les hauts barons des trésors littéraires d’Althorp et de Hodnet[2], de sabler avec eux le négus[3] au madère, préparé par le classique Dibdin[4]… d’assister à ces débats profonds qui assignent à chaque petit volume dont la dorure est ternie, son collier, non pas de chevalier de la Jarretière, mais de très révérend docteur[5] ; de boire à la mémoire immortelle de Caxton, de Valdarar, de Pynson[6], et des autres créateurs de ce grand art qui nous a fait tous et chacun en particulier ce que nous sommes. Voilà, mon fils, des tentations pour lesquelles vous me voyez maintenant sur le point de résigner ce tranquille intérieur de la vie où, ne connaissant personne et de tous inconnu, si ce n’est par l’intermédiaire de la famille que j’ai fait naître et qui donne de si belles espérances… je me proposais de terminer paisiblement le soir de ma vie. »

En parlant ainsi, notre vénérable ami fit une autre attaque au pot de bière, comme si un tel discours lui avait suggéré ce spécifique contre les maux de la vie, recommandé dans la célèbre réponse de l’anachorète de Johnson…

Viens, mon enfant, prendre un verre de bière.

Quand il eut replacé le pot d’argent sur la table, et soupiré profondément pour reprendre haleine, après la rasade qui avait longuement interrompu chez lui la respiration, je ne pus m’empêcher d’en faire autant avec un ton de compassion si pathétique, qu’il fixa les yeux sur moi d’un air surpris. « Que signifie cela ? » dit-il, montrant un peu d’humeur ; « est-ce que vous, la créature de ma volonté, vous porteriez envie à mon élévation ? vous ai-je consacré à vous et à vos confrères les meilleurs moments de ma vie depuis sept ans, pour que vous ayez la présomption de murmurer et de vous plaindre, parce que, dans ceux qui suivront, je cherche à me procurer quelques jouissances dans une société si bien appropriée à mes goûts ? » Je m’humiliai devant le vieillard offensé, et protestai de mon innocence en tout ce qui pourrait lui déplaire. Il parut en partie apaisé, mais tint encore fixé sur moi

  1. To be hob or nob, vivre avec quelqu’un de pair à compagnon. a. m.
  2. Noms de lieux en Angleterre. a. m.
  3. Breuvage composé de vin, d’eau bouillante, de sucre, de noix muscade, et d’une tranche de citron. a. m.
  4. Fameux Bibliomane. a. m.
  5. C’est-à-dire qui lui assignent le rang qu’il doit tenir par son mérite. a. m.
  6. Noms de trois imprimeurs anglais de la première époque. a. m.