Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/216

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pourrait-il désirer de m’entraîner à des actions qui pussent être, avec la moindre apparence de vérité, appelées du nom de trahison et de déshonneur ? — Vous m’entendez mal, Julien, répondit la jeune fille ; mon père est incapable d’exiger de vous la moindre chose qui, dans son opinion, s’écarterait des lois de la justice et de l’honneur. Il pense qu’il ne réclame de vous qu’une dette dont vous êtes redevable comme créature à votre Créateur et comme homme à vos semblables. — Avec une telle garantie, où donc est le danger de notre liaison ? demanda Julien ; si nous sommes déterminés tous deux, lui à ne demander, moi à n’accorder que ce qui est conforme à la justice et à l’honneur, qu’ai-je à craindre, Alice, et comment mes relations avec votre père sont-elles dangereuses ? Croyez-moi, ses discours ont déjà fait impression sur moi à quelques égards, et il a écouté avec douceur et patience les objections que j’ai hasardées de temps en temps. Vous ne rendez pas justice au major Bridgenorth en le confondant avec ces fanatiques absurdes qui, en politique comme en religion, ne veulent entendre que ce qui flatte leurs idées et leurs préventions. — Julien, reprit Alice, c’est vous qui vous méprenez sur les ressources de mon père, sur ses projets à votre égard, et qui vous exagérez vos moyens de résistance. Je ne suis qu’une jeune fille, mais les circonstances m’ont appris à penser par moi-même, et à étudier le caractère de ceux qui m’entourent. Les opinions de mon père, en matières religieuses et politiques, lui sont aussi chères que la vie, qu’il n’estime que pour la consacrer à leur défense. Ces opinions ont été les compagnes de toute sa vie, et elles ont subi bien peu de changement. Il fut une époque où elles le conduisirent à la prospérité ; et, lorsqu’elles ne convinrent plus à l’esprit du temps, il fut la victime de sa fidélité pour elles. Elles sont devenues la plus chère partie de son existence. S’il ne vous les montre pas d’abord dans toute leur force, dans toute leur inflexibilité, ne croyez pas qu’elles en aient moins de puissance et d’énergie. Celui qui cherche à faire des prosélytes doit agir avec mesure, et ne marcher que pas à pas. Mais qu’il sacrifie à un jeune homme sans expérience, dirigé par une passion qu’il traitera d’enfantillage, la moindre portion de ces principes conservés par lui comme un trésor précieux, et qui lui ont valu tour à tour la réputation d’homme de bien et celle de méchant homme, non, jamais ! ne vous abandonnez point à ce rêve insensé. Si vous vous rencontrez de nouveau, il faut que vous soyez la cire et lui le ca-