Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/22

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Dryasdust. Mais on affirme, en outre, et plus spécialement, que vous courez le danger de faire négliger l’histoire… les lecteurs se contentant des connaissances confuses et superficielles qu’ils acquièrent dans vos ouvrages, et qui ont pour effet de les porter à négliger les sources d’information plus sincères et plus exactes.

L’auteur. Je nie la conséquence. Au contraire, je me flatte plutôt d’avoir appelé l’attention du public sur plusieurs points qu’ont éclaircis des écrivains plus instruits et plus laborieux, précisément à cause de l’intérêt qu’y ont attaché mes romans. Je pourrais citer des exemples ; mais je hais la vanité… je hais la vanité. L’histoire de la baguette divinatoire est bien connue : c’est un petit bout de verge sans valeur par lui-même ; mais elle indique par ses mouvements où sont cachées sous terre les veines du métal précieux, qui enrichissent ensuite les spéculateurs par qui elles sont laborieusement et soigneusement exploitées. Je ne prétends pas avoir plus de mérite pour mes allusions historiques ; mais c’est toujours quelque chose.

Dryasdust. Nous, antiquaires plus sévères, monsieur, nous pouvons avouer que ceci est vrai, sous ce rapport, que vos ouvrages peuvent avoir parfois porté des hommes d’un jugement solide à des recherches qu’ils n’auraient peut-être pas autrement songé à entreprendre. Mais vous n’en restez pas moins responsable du tort d’abuser les jeunes gens, les personnes indolentes ou frivoles, entre les mains desquelles vous mettez des ouvrages qui ont tellement l’apparence de livres instructifs, qu’elles s’appliquent à les lire sans que leur conscience trouve rien de blâmable dans cette manière d’employer le temps, et qui habituent ainsi leurs cerveaux légers à se contenter des notions mal digérées, incertaines et souvent fausses, dont vos romans abondent.

L’auteur. Il serait très inconvenant à moi, révérend docteur, d’accuser de verbiage une personne qui porte votre habit ; mais dites-moi, je vous prie, n’y aurait-il pas quelque chose de semblable dans le pathos au moyen duquel vous faites valoir ces dangers ? Je maintiens, au contraire, qu’on initiant ainsi les personnes actives et les jeunes gens « à des vérités sévères, sous la forme de fictions agréables », je rends service aux plus spirituels et aux plus aptes d’entre eux ; car l’amour de la science n’a besoin que d’un commencement…, la moindre étincelle fait prendre feu lorsque la traînée de poudre est bien préparée. Lorsque le lecteur s’est intéressé à des aventures et à des caractères feints, attribués