Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/26

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était un bien héréditaire, n’en continuèrent pas moins à se parer du titre pompeux des Peveril du Pic, titre qui indiquait leur haute origine ainsi que leurs prétentions orgueilleuses.

Sous le règne de Charles II, le représentant de cette ancienne famille était sir Geoffrey Peveril, homme qui possédait la plupart des qualités d’un vieux gentilhomme campagnard fidèle aux usages de son temps, et qui n’en avait que très-peu de celles qui pouvaient le faire distinguer de cette classe de la société. Il était fier de ses petits avantages, prompt à s’irriter du moindre revers, incapable de prendre aucune résolution et d’adopter une opinion qui se ressentît de ses préjugés. Il était orgueilleux de sa naissance, prodigue dans sa maison, hospitalier avec les parents et les amis qui étaient disposés à reconnaître sa supériorité et son rang, querelleur avec tous ceux qui contestaient ses prétentions ; charitable avec le pauvre, quand il ne se rendait point coupable de braconnage sur ses terres ; royaliste prononcé dans ses opinions politiques, et détestant également une tête-ronde, un braconnier et un presbytérien. En fait de religion, il était du parti des épiscopaux, et si exalté dans ses principes que beaucoup de gens pensaient qu’il professait en secret les dogmes catholiques auxquels sa famille avait renoncé du temps de son père, et qu’il avait obtenu une dispense qui lui permettait de se conformer extérieurement aux pratiques de la religion protestante. Tel était au moins le bruit scandaleux qui courait parmi les puritains, et qui semblait justifié par l’influence que sir Geoffrey Peveril paraissait exercer sur les gentilshommes catholiques du Derbyshire et du Chestershire[1].

D’après ce portrait, on peut se faire une idée exacte de sir Geoffrey, qui aurait pu descendre au tombeau sans autre distinction qu’une plaque de cuivre sur sa pierre sépulcrale, s’il n’eût vécu à une époque qui forçait les esprits les moins actifs à se mettre en mouvement, de même qu’une tempête soulève les eaux dormantes du lac le plus tranquille. Quand les guerres civiles éclatèrent, Peveril du Pic, fier de sa naissance et naturellement brave, leva aussitôt un régiment pour le roi, et montra en diverses occasions qu’il avait plus de capacité pour commander une armée qu’on ne lui en avait supposé jusqu’alors.

Au milieu même des discordes civiles, il devint amoureux d’une fille de la noble maison de Stanley ; et il l’épousa. Depuis

  1. Comté de Chester. a. m.