Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/28

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sous le règne paisible de Jacques Ier et avait légué à son fils une somme considérable, indépendamment de son domaine patrimonial.

La maison de ce domaine, Moultrassie-House édifice solide, quoique petit et bâti de brique, n’était situé qu’à deux milles de distance de Martindale-Castle : le jeune Bridgenorth fut placé dans la même école que l’héritier des Peveril, et il s’établit ainsi entre eux une sorte de liaison qui, sans jamais être intime, subsista pendant toute leur jeunesse ; d’autant mieux que Bridgenorth, quoiqu’il ne reconnût pas au fond de son âme les prétentions vaniteuses de sir Geoffrey à une haute supériorité, montrait une déférence assez raisonnable pour le représentant d’une famille plus ancienne et plus importante que la sienne, et ne croyait nullement se dégrader en agissant ainsi.

M. Bridgenorth ne poussa cependant pas la complaisance jusqu’au point d’embrasser le parti de sir Geoffrey pendant la guerre civile. Au contraire, montrant un zèle extrême à remplir ses devoirs comme juge de paix, il mit la plus grande activité à lever la milice pour le service du parlement, et occupa lui-même, pendant quelque temps, un poste dans l’armée. Cette conduite provint en partie de ses opinions religieuses, car il était zélé presbytérien, et en partie de ses opinions politiques, lesquelles, sans qu’il fût pourtant absolument démocrate, étaient en faveur du côté populaire de la grande question qui s’agitait alors. D’ailleurs, il avait des fonds considérables, et son œil fin et subtil était ouvert sur ses intérêts personnels. Il sut comprendre parfaitement de quelle manière il devait saisir les circonstances que la guerre civile lui offrait pour augmenter sa fortune, et ce fut avec adresse que dans ce but il employa ses capitaux. Il ne fut pas long-temps à s’apercevoir que le plus sûr moyen de réussir à cet égard était d’embrasser la cause du parlement, tandis que celle du roi, de la manière dont elle était conduite, n’offrait aux spéculateurs qu’une suite d’exactions et d’emprunts forcés. Par toutes ces raisons, Bridgenorth devint donc décidément tête-ronde, et dès ce moment toute relation amicale entre son voisin et lui cessa brusquement. Cette rupture se fit avec d’autant moins d’aigreur part et d’autre, que, pendant tout le temps de la guerre civile, sir Geoffrey fut presque toujours à l’armée, suivant fidèlement la fortune incertaine et chancelante de son malheureux maître, tandis que le major, qui ne tarda pas à renoncer au service actif, rési-