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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/291

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dans la physionomie, si ce n’est la vivacité et le feu de deux petits yeux gris très-perçants, dont le regard s’accordait parfaitement avec la supériorité hautaine que l’étranger prenait dans la conversation. Ce ne fut qu’après un moment d’intervalle que Julien répondit :

« Pouvez-vous vous étonner, monsieur, que, dans les circonstances où je me trouve, si toutefois elles vous sont connues, j’évite de faire des confidences inutiles sur les affaires importantes qui m’ont conduit ici, et que je m’éloigne de la compagnie d’un étranger qui persiste à ne pas m’expliquer pour quel motif il désire la mienne ? — Faites ce qu’il vous plaira, jeune homme, répliqua Ganlesse ; souvenez-vous seulement à l’avenir que je vous ai fait une belle offre, une offre que je ne ferais pas à tout le monde. Si nous nous rencontrons plus tard, dans des circonstances moins heureuses peut-être, n’en imputez la faute qu’à vous seul, et non à moi. — Je ne comprends pas votre menace, répondit Peveril, si réellement vous voulez m’en faire une. Je n’ai fait aucun mal, je n’éprouve aucune crainte, et je ne puis avec raison concevoir pourquoi j’aurais lieu de me repentir d’avoir refusé ma confiance à un étranger qui semble exiger que je me soumette aveuglément à ses conseils. — Adieu donc, sir Peveril du Pic, car c’est là peut-être ce que vous serez bientôt, » dit l’étranger en lâchant la bride de son cheval sur laquelle il avait nonchalamment posé la main.

« Que voulez-vous dire ? s’écria Julien : et pourquoi me donnez-vous ce titre ? »

L’étranger sourit et lui répondit seulement : « Ici doit se terminer notre conférence. Voici votre route : vous la trouverez plus longue et plus difficile que celle par laquelle je vous aurais conduit. »

À ces mots, Ganlesse regagna la maison. Arrivé sur le seuil, il se retourna encore une fois, et voyant que Julien était resté immobile à la même place, il lui sourit de nouveau et lui fit un signe de tête. Julien, rappelé à lui-même par ce signe, piqua son cheval et partit.

La connaissance qu’il avait du pays lui suffit pour regagner la route de Martindale, dont il ne s’était guère écarté que de deux milles. Mais les chemins ou plutôt les sentiers de ce pays presque sauvage, dont le poète Cotton a parlé d’une manière si satirique, étaient si compliqués en certains endroits, si difficiles à recon-