Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire ? — Je ne vous ai pas dit qu’il fût mort ; j’ai dit seulement qu’il n’en valait guère mieux, puisqu’il est entre les mains des têtes-rondes, qui le retiennent prisonnier dans son propre château, et qui lui feront couper la tête, comme au brave comte de Derby à Bolton-le-Moors. — Ma foi, camarades, dit Gaffer-Ditchley, si les choses sont telles que nous le dit maître Lance, je crois que nous devons donner un coup de main pour le vieux sir Geoffrey, contre un coquin lâche et mal né, comme ce Bridgenorth, qui a fait fermer une mine où l’on avait dépensé des millions. Ainsi donc, hourra pour sir Geoffrey, et à bas les croupions ! Mais attendez un moment ! » et d’un signe de la main il arrêta les acclamations qui commençaient à s’élever. « Écoutez-moi, Lance-Outram, j’ai peur qu’il ne soit trop tard ; regardez, l’étoile polaire ne brille pas, la tour du fanal est noire comme la nuit, et vous le savez vous-même, c’est le signe de la mort du seigneur. — Il se rallumera, je l’espère, » dit Lance (qui ajouta intérieurement : « Fasse le ciel que cela soit ! ») ; dans un instant il se rallumera, soyez-en sûrs, c’est le manque de combustible, sans doute, qui en est cause ; c’est le trouble qui règne au château. — Cela est possible, cela est assez probable, répondit Ditchley ; mais je ne bouge pas d’ici que je n’aie vu la flamme du fanal. — La voilà ! s’écria Lance, je te remercie, Cisly, je te remercie, ma bonne fille. Croyez-en donc vos yeux, mes camarades, si vous ne voulez pas me croire ; à présent hourra pour Peveril du Pic, le roi et ses amis, et à bas les croupions et les têtes-rondes ! »

La lumière soudaine du fanal produisit tout l’effet que Lance désirait sur l’esprit de ses grossiers et ignorants auditeurs, dont la superstition attachait à l’étoile polaire des Peveril la prospérité de cette maison. Une fois émus, ils furent bientôt poussés jusqu’à l’enthousiasme, ce qui s’accordait avec le caractère particulier de leur pays, et Lance-Outram se vit en un moment à la tête d’une trentaine de vigoureux gaillards, armés de pioches et de haches, et prêts à exécuter tout ce qu’il leur ordonnerait.

Croyant pouvoir entrer au château par la poterne, qui dans plus d’une circonstance lui avait servi ainsi qu’aux autres domestiques, sa seule préoccupation était de faire marcher sa troupe en silence, et il recommandait avec instance à ceux qui le suivaient de garder leurs acclamations pour le moment de l’attaque. Ils n’étaient pas très-éloignés du château, quand Cisly-Sellok parut devant eux, hors d’haleine ; la pauvre fille avait tellement