Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/343

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nous sommes seuls, je vous en prie, donnez-moi des nouvelles de la cour. — Le complot n’a pas eu de suite, répondit le courtisan ; sir George Wakeman a été acquitté, les jurés ont refusé de croire les témoins. Scroggs, qui a vociféré pour un parti, maintenant vocifère pour l’autre. — Complot, Wakeman, témoins papistes et protestants, tout cela pêle-mêle ! Croyez-vous que je me soucie d’un tel amalgame ? Jusqu’à ce que le complot monte par l’escalier dérobé du palais, et s’empare de l’imagination du vieux Rowley[1], je ne donnerais pas un farthing[2] pour qu’on y crût ou qu’on n’y crût pas. Je tiens à quelqu’un qui me tirera d’affaire. — Eh bien donc, la nouvelle la plus récente, c’est la disgrâce de Rochester. — Rochester disgracié ! comment et pourquoi ? Le jour de mon départ il était en plus belle position que jamais. — Son crédit est anéanti : l’épitaphe lui a rompu le cou ; il peut en faire une maintenant pour sa faveur à la cour, car elle est morte et enterrée. — L’épitaphe ! s’écria Tom ; j’étais présent quand il la fit, et celui qui en était l’objet trouva que c’était une excellente plaisanterie[3]. — Et nous le pensâmes aussi, répondit le courtisan ; mais elle circula, elle courut le monde, elle se répandit dans tous les cafés, elle fut insérée dans la plupart des journaux ; Grammont la traduisit en français, et on ne rit pas long-temps d’une plaisanterie, quelque spirituelle qu’elle soit, quand on l’entend résonner à ses oreilles de tout côté. Aussi l’auteur est-il disgracié ; et, sans Sa Grâce le duc de Buckingham, la cour serait aussi triste que la perruque du lord chancelier. — Ou que la tête qu’elle couvre. Eh bien, milord, moins il y a de monde à la cour, plus il y a de place pour ceux qui peuvent y intriguer. Mais voilà les deux principales cordes du violon de Shaftesbury rompues, la conspiration papiste réduite à rien, et Rochester disgracié. Le temps est changeant : portons un toast au petit homme qui le remettra au beau. — Je vous comprends, et je me joins à vous de tout mon cœur. Croyez-moi, milord vous aime et brûle de vous voir. Mais je vous ai fait raison ; à mon tour maintenant. Cette fois, le toast m’appartient : il est pour Sa Grâce le duc de Buckingham[4]. — Le plus joyeux des pairs qui eurent jamais l’art de faire de la nuit le jour. Oui vraiment, une coupe toute pleine,

  1. Sobriquet de Charles II. a. m.
  2. Monnaie de cuivre anglaise équivalant à un centime. a. m.
  3. Il s’agit de l’épitaphe satirique de Charles II, faite par Rochester. a. m.
  4. Le texte offre ici une équivoque intraduisible, qui fait allusion aux mœurs relâchées du duc. a. m.