Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/368

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CHAPITRE XXIX.

HYPOCRISIE ET SCÉLÉRATESSE.


Rappelle-toi bien cela, Bassanio : — le diable même peut invoquer l’Écriture pour parvenir à ses fins.
Shakspeare. Le Marchand de Venise.


Après avoir quitté la somptueuse demeure du duc de Buckingham, Christian, plein des projets si odieusement perfides qu’il méditait, se hâta d’aller dans la Cité, où un rendez-vous imprévu dans une auberge décente, tenue par une personne de la secte religieuse à laquelle il appartenait, l’appelait près de Ralph Bridgenorth de Moultrassie. Ce ne fut pas inutilement qu’il se présenta : le major était arrivé le matin, et l’attendait avec impatience. L’air habituellement sombre de ce dernier était encore obscurci par une teinte d’inquiétude, qui parut à peine se dissiper lorsque, répondant aux questions qu’il faisait au sujet de sa fille, Christian lui donna sur la santé et la gaieté d’Alice les nouvelles les plus satisfaisantes, entremêlées naturellement et sans affectation d’éloges sur sa beauté et sur son caractère, éloges si capables de flatter l’oreille d’un père.

Mais Christian avait trop de tact pour s’étendre sur ce sujet, quelque agréable qu’il fût. Il s’arrêta juste au point où l’affection d’un parent pouvait être censée en avoir assez dit. « La dame, dit-il, près de laquelle il avait placé Alice, était charmée de son aspect et de ses manières, et répondait de sa santé et de son bonheur. Il n’avait pas, ajouta-t-il, mérité si peu de confiance de la part de son frère Bridgenorth qu’il fut nécessaire au major, contrairement à son projet et au plan qu’ils avaient formé ensemble, d’arriver aussi précipitamment de la campagne, comme si sa présence était utile à la protection d’Alice. — Frère Christian, répondit Bridgenorth, il faut que je voie mon enfant ; il faut que je voie la personne à qui elle a été confiée. — Pourquoi donc ? répliqua Christian. N’avez-vous pas souvent confessé que l’excès de vos affections charnelles pour votre fille a été un piège pour vous ? N’avez-vous pas été plus d’une fois sur le point de renoncer aux grands desseins qui doivent placer la justice comme un conseiller à côté du trône, et cela parce que vous désiriez satisfaire la folle passion de votre fille pour ce descendant de votre ancien persé-