Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/375

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sément partager ses desseins, qui, aux yeux de son intègre beau-frère, étaient également honorables et patriotiques. Mais, tandis qu’il flattait Bridgenorth de l’espoir d’accomplir une réforme dans l’État, de mettre un frein à la dissolution de la cour, de soulager la conscience des dissidents de l’oppression des lois pénales, de réformer enfin les abus criants de l’époque ; tandis qu’il lui montrait aussi en perspective la vengeance frappant la comtesse de Derby, et humiliant la famille de Peveril, par qui Bridgenorth avait été si indignement traité, Christian ne négligeait pas non plus de chercher comment il pourrait tirer avantage de la confiance qu’avait en lui son crédule beau-frère.

L’extrême beauté d’Alice Bridgenorth, la fortune considérable que le temps et l’économie avaient accumulée dans les mains de son père, en faisaient un parti très-désirable pour réparer la fortune délabrée de quelque habitué de la cour ; et il se flattait de pouvoir conduire une semblable négociation de manière à la rendre extrêmement utile à ses propres intérêts. Il vit qu’il persuaderait, sans trop de difficulté, au major Bridgenorth de lui abandonner la surveillance de sa fille : ce père infortuné s’était accoutumé, dès la naissance d’Alice, à considérer le plaisir de la voir habituellement comme trop mondain pour qu’il pût s’en permettre la jouissance ; et Christian eut peu de peine à le convaincre que le désir qu’il éprouvait de la donner à Julien Peveril, en supposant qu’il pût faire adopter à ce jeune homme ses opinions politiques, était un compromis blâmable avec la sévérité de ses principes. Les dernières circonstances lui avaient prouvé combien il était peu sûr et peu convenable de confier à mistress Debbitch un dépôt si précieux, et il accueillit volontiers avec reconnaissance l’offre complaisante que fit Christian, l’oncle maternel d’Alice, de la placer à Londres, sous la protection d’une dame de condition, tandis qu’il serait lui-même engagé dans les scènes de troubles et de combats qu’il croyait, avec tous les bons protestants, devoir être avant peu la conséquence d’une révolte générale des papistes, à moins que cette révolte ne fût prévenue par les mesures promptes et énergiques des honnêtes gens d’Angleterre. Le major avait même exprimé la crainte que, trop occupé de veiller au bonheur de sa fille, il ne pût faire pour son pays tout ce qu’il devait ; et Christian eut peu de peine à lui faire promettre qu’il s’abstiendrait de s’informer d’elle pendant quelque temps.

Certain d’être dépositaire de sa nièce, qu’il espérait garder