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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/378

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sant même qu’on eût rien ajouté. En un mot, Christian, en faisant marcher séparément son intrigue particulière par le moyen de la grande conspiration papiste, comme on l’appelait, agissait absolument comme celui qui fait dériver le principe moteur servant à mettre sa petite usine en mouvement, de la machine à vapeur ou de la grande roue construite pour le service d’un établissement voisin beaucoup plus vaste. En conséquence, il avait résolu, tout en profitant le plus qu’il pourrait de leurs découvertes supposées, de n’admettre personne à se mêler de ses projets particuliers d’ambition et de vengeance.

Chiffinch, désirant voir de ses propres yeux cette beauté extraordinaire qu’on lui avait tant vantée, s’était rendu exprès dans le Derbyshire. Il fut dans l’enchantement lorsqu’après avoir assisté à un sermon de deux heures dans la chapelle des dissidents de Liverpool, et avoir eu tout le loisir de faire son examen, il fut amené à conclure qu’il n’avait jamais vu des formes et une figure plus séduisantes. Le témoignage de ses yeux confirmant ce qui lui avait été dit, il s’empressa de retourner à la petite auberge désignée pour le rendez-vous, et y attendit Christian et sa nièce avec une entière confiance dans le succès de leur projet, et déployant un appareil de luxe capable, selon lui, de produire une impression favorable sur l’esprit d’une jeune campagnarde. Il fut un peu surpris lorsqu’il s’aperçut que Christian était accompagné de Julien Peveril, au lieu d’Alice Bridgenorth, à qui il espérait être présenté le soir même. C’était en effet un désappointement assez rude pour lui, qui avait pris sur son indolence de s’aventurer loin de la cour, afin de vérifier, avec son tact supérieur, si Alice était réellement ce prodige tant exalté par les louanges de son oncle, et si c’était une victime digne du sacrifice auquel on la destinait.

Quelques mots échangés entre ces dignes associés leur suffirent pour concerter le plan d’enlever à Peveril les dépêches de la comtesse, Chiffinch refusant absolument de prendre aucune part à son arrestation ; car il était fort douteux qu’un tel acte fût approuvé de son maître.

Christian avait aussi ses raisons pour s’abstenir d’une démarche aussi décisive. Il n’était nullement probable qu’elle fût agréable à Bridgenorth, qu’il était nécessaire de ne pas contrarier ; de plus, elle était inutile, car les dépêches de la comtesse étaient d’une bien plus haute importance que la personne de Julien ; enfin elle